Portrait n De par le rôle qu'il incarne, le conteur de la région des Ziban demeure un personnage important en ce sens qu?il agit dans la perpétuation de la culture populaire. Le conteur, connu sous le nom de meddah, se manifeste généralement sur les places publiques et les marchés les plus fréquentés pour déclamer ses poésies et citations. Selon Lakhdar Rahmouni, chercheur spécialisé dans la culture populaire, le personnage du conteur est connu par la plupart des peuples, dans toutes les nations et de tout temps. Ce personnage, dira-t-il, a joué un rôle fondamental dans la transmission des cultures, avant que l'écriture et la communication moderne ne le supplantent. Les sujets traités par le conteur se rapportent aux divers mythes et légendes, relatifs à l'histoire religieuse, aux personnages et héros populaires, au mythe des «gens de la caverne», au courage de Antara, à la malice de Djeha, à la geste des Béni Hilal ou au combat de l'Emir Abdelkader contre la colonisation. A Biskra comme dans les autres villes de la région, on peut encore rencontrer des conteurs comme El-Okbi, un vieux meddah atteint de cécité qui, guidé dans ses déplacements par un enfant, gagne sa vie en déclamant des récits en vers ou en prose émaillés par quelques airs de naï, un instrument à vent ; la musique et l'histoire captivent l'auditoire émerveillé et abreuvé par la quintessence de cet art. Le conteur s?arrête de temps en temps, en prenant soin de provoquer le suspense ; son naï sous le bras, il fait le tour de l'assemblée pour récolter des pièces, avant de poursuivre son récit. Ammi Lamri, originaire des Hauts-Plateaux et établi de longue date à Biskra, garde un souvenir indélébile se rapportant au personnage du meddah, il fit lui-même de la narration sa propre vocation. «J'étais enfant et je me trouvais, un jour, au souk de Tolga. J'ai été subjugué au plus haut point, par la découverte du métier de conteur. Depuis lors, j'ai étudié un grand nombre d'ouvrages d'histoire et de littérature et côtoyé des personnes des plus cultivées afin d?apprendre ce métier que j'exerce depuis trente ans.» «Le meddah doit posséder plusieurs qualités qui sont autant de secrets du métier. Il doit maîtriser l'art de s'adresser aux foules et choisir les mots les plus simples et les expressions les plus frappantes. Il est également comédien et exprime avec justesse les sentiments et les situations de ses personnages, enfin, il module sa voix selon la phrase, avec la gestuelle qu'il faut», a indiqué ammi Lamri. Selon Faouzi Masmoudi, président de l'association Al-Khaldounia des études et recherches historiques, «le meddah constitue une source richement instructive sur l'histoire vécue et l'imaginaire populaire». «Il a été le dépositaire privilégié de la mémoire collective, le conservateur et le témoin des sentiments, de la personnalité, des souffrances, des sacrifices et de la fierté d'une culture. Il a été la voix d'un peuple que les épreuves les plus dures, n'ont pu vouer à la dispersion ou réduire au silence», a conclu le chercheur.