Résumé de la 136e partie n Au lieu d'une scène de ménage, Aziz raconte à sa promise les raisons de son absence le jour de leur mariage . Au nom d'un amour infini et inexpliqué, elle l'encourage à rencontrer la fille qui lui a fait perdre le nord. Alors moi j'essayai de calmer les battements de mon cœur et de comprimer mon émotion et je pris congé de ma cousine et sortis. Arrivé à la ruelle ombreuse, j'allai m'asseoir sur le banc en question, dans un état d'excitation extrême. Et à peine étais-je là que je vis la fenêtre s'entrouvrir et aussitôt un vertige me passa devant les yeux. Mais je me raffermis et je regardai vers la fenêtre et de mes yeux je vis l'adolescente. A la vue de ce visage adoré, je chancelai et me laisser tomber, tremblant, sur le banc. Et l'adolescente restait toujours à la fenêtre à me regarder avec une lueur dans les yeux et elle tenait à la main ostensiblement un miroir et un mouchoir rouge. Mais bientôt, sans dire une seule parole, elle releva ses manches, découvrant ses bras jusqu'aux épaules, puis elle ouvrit la main et étendit ses cinq doigts puis elle tendit le bras hors de la fenêtre en tenant le miroir et le mouchoir rouge et, par trois fois, elle agita le mouchoir en l'élevant et en l'abaissant, puis elle fit le geste de tordre le mouchoir et de le plier ; ensuite elle pencha la tête vers moi longuement et rentrant vivement, elle referma la fenêtre et disparut. Tout cela, et sans prononcer un seul mot. Au contraire ! Elle me laissa ainsi dans une perplexité inimaginable, et je ne sus si je devais rester ou m'en aller ; dans le doute, je restai ainsi à regarder la fenêtre durant des heures, jusqu'à minuit. Alors, malade de mes pensées, je regagnai la maison, où je trouvai ma pauvre cousine dans l'attente, les yeux rouges de larmes versées et le visage empreint de tristesse et de résignation. Alors moi, à bout de forces, je me laissai tomber à terre dans un état pitoyable. Et ma cousine, qui s'était hâtée de courir à moi, me reçut dans ses bras, m'embrassa sur les yeux et me les essuya du coin de sa manche et me donna à boire, pour calmer mes esprits, un verre de sirop légèrement parfumé à l'eau de fleur, et elle finit par doucement m'interroger sur tout ce retard et sur ma mine affligée. Alors moi, bien que brisé de triste lassitude, je la mis au courant de tout en lui répétant les gestes de la délicieuse inconnue. Et ma cousine Aziza me dit : «O Aziz de mon cœur, la signification qui pour moi ressort de ces gestes, surtout des cinq doigts et du miroir, est que la jeune fille t'enverra un message dans cinq jours chez le teinturier du coin de la ruelle.» Alors moi je m'écriai : «O fille de mon cœur, puissent tes paroles être vraies ! D'ailleurs j'ai remarqué qu'au coin de la ruelle, il y a, en effet, la boutique d'un teinturier juif.» Puis ne pouvant plus résister à la houle de mes souvenirs je me mis à sangloter dans les bras de ma cousine Aziza qui ne ménagea point pour me consoler les paroles de douceur et les caresses de tout charme et elle me disait : «Songe, ô Aziz, que d'ordinaire les amoureux souffrent des années et des années dans l'attente, et s'arment de fermeté tout de même, et toi, il y a à peine une semaine que tu connais les tortures du cœur et te voici dans une émotion et une tristesse sans exemple ! Prends courage, ô fils de mon oncle ! Lève-toi et mange un peu de ces mets et bois de ce breuvage que je t'offre.» A suivre