Résumé de la 1re partie n L'assassin attend dans sa voiture, il fume une cigarette pour se détendre. Dans une ou deux minutes, il passera à l'action. A l'intérieur de la maison, la victime se débarrasse de son manteau. La quarantaine passée, une robe d'excellent couturier qui ne parvient pas à lui redonner l'élégance de ses vingt ans. Le corps est un peu flasque, gras, la chevelure d'un roux synthétique, trop flamboyant, les yeux marqués sous le maquillage agressif. 18h 50, l'assassin fouille dans sa poche et crispe la main sur son arme. Doit-il retirer dès maintenant le cran d'arrêt ?... Il hésite, renonce, et tire encore deux bouffées coup sur coup. Dans la maison, la victime ôte ses chaussures de ville, aux talons trop pointus, et grimace de soulagement en posant enfin ses pieds douloureux à plat sur le carrelage. Stéphanie Cordelle refuse de vieillir et de se regarder en face. Elle souffre à vrai dire pour rien car elle serait plus agréable avec des cheveux auburn, des chaussures plates et un tailleur sport. Plus sympathique sans ce rimmel trop noir et ce rouge à lèvres trop rouge. Elle enfile des mules et passe au salon. 18 h 51. L'assassin écrase sa cigarette dans le cendrier de la Cadillac. Il n'a plus le temps d'en allumer une autre. Il surveille l'avenue, les phares d'une voiture qui passe le poussent à se glisser sur le siège afin de se protéger d'éventuels regards indiscrets. Dans la maison, la victime allume le poste de télévision, fait le tour de tous les dessins animés de toutes les chaînes... C'est l'heure des enfants. L'heure où la télévision se charge de calmer les moutards à la place des parents. Madame Cordelle n'a pas d'enfant, elle éteint le poste, agacée, et cherche un magazine sur la table basse. 18 h 52. L'assassin s'oblige à respirer calmement, lentement. Il frotte ses mains sur le tissu de son pardessus verdâtre. Une sorte de moiteur l'envahit. Il a des crampes dans les jambes et ne cesse de surveiller la porte d'entrée de la villa. Dans la maison, la victime feuillette un magazine de mode et se plonge dans un article détaillant les nouvelles techniques de lifting. L'arrêt des bombardements au Viêt-nam décidé par le président Johnson, qui est annoncé en première page, ne la passionne guère. 18 h 53. L'assassin ouvre la portière de la Chevrolet d'une main un peu tremblante. Il sort sans prendre garde à la pluie qui commence à tomber, marche rapidement vers la villa, monte les trois marches du perron et sonne. Il remet aussitôt la main dans sa poche, saisit l'arme et ôte le cran de sécurité. Dans la maison, la victime abandonne le magazine ouvert sur le canapé, se lève, traverse le salon, franchit le hall et ouvre la porte. L'assassin reconnaît la conductrice de la voiture japonaise, celle qu'il guettait. «Vous êtes madame Cordelle ? — Oui, monsieur. — Votre mari ne vous a pas parlé de moi ? — Ah c'est vous ! Entrez.» L'assassin et la victime sont en présence, il est 18h 54. Madame Cordelle referme la porte d'entrée. L'assassin fait mine de retirer son pardessus derrière elle, mais lorsque la victime se retourne, il sort de sa poche le revolver, dont il vide le chargeur nerveusement, à bout portant et en fermant les yeux à chaque détonation. Munich. Cinq semaines plus tard. Il est 12h 45. L'assassin est dans la rue. Il fait froid et il est enveloppé d'un pardessus de cachemire beige, en contemplation devant la vitrine d'une boutique élégante de la Bayerstrasse. Il y a là des boîtes à cigares en loupe d'orme, des étuis à cigarettes en laque, des briquets de salon, des cendriers de cristal. La rue est animée ; c'est l'une des plus élégantes de Munich. (à suivre...)