Le Yémen, considéré par Washington comme un allié dans la fameuse lutte contre Al-Qaïda, est plongé dans l'inconnu depuis juillet 2014. Sous le regard impassible des différents acteurs de la région. Après leur entrée dans la capitale Sanaa en septembre, les Houthis, issus de la minorité zaïdite, ont pris le contrôle du palais présidentiel ainsi que des autres institutions de l'Etat, poussant à la démission le président Abdrabbou Mansour Hadi et le Chef du gouvernement. Ce coup de force est promptement dénoncé par les principaux partis politiques du pays, y compris par le parti de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, pourtant considéré comme un des principaux alliés des Houthis. Ces derniers face à une situation de paralysie générale du pays poursuivent de façon méthodique l'exécution de leur plan. Ils forment à la hâte une commission de sécurité, incluant les ex-ministres de la Défense et de l'Intérieur du gouvernement démissionnaire, pour gérer les affaires courantes. Et ce jusqu'à la mise en place d'un Conseil présidentiel chargé de former un gouvernement pour une période de transition de deux ans. Les Houthis lancent un appel à candidature pour former un conseil national de 551 membres, devant remplacer le Parlement dissous. Le pays est plus que jamais au bord de l'explosion et la situation menace le retour vers la guerre qui a mené à la scission du Yémen. La tension reste vive dans le sud et le sud-est du Yémen, et ce qui reste d'autorités locales ressasse la même rengaine celle de «ne pas reconnaître» le pouvoir des Houthis et refusant la «déclaration constitutionnelle», par laquelle ils ont renforcé leur emprise sur ce pays du sud de l'Arabie. Ce rejet affiché, mais inefficient, est partagé par les forces armées et de sécurité dans plusieurs provinces : Aden, Abyane, Lahj, Chabwa, Dhaleh et Hadramaout où se poursuivaient d'intenses tractations pour un partage du sud du pays. Dans la province pétrolière de Maarib, à l'est de Sanaa, des chefs de puissantes tribus sunnites, farouchement opposées aux Houthis se disent parés à toute éventualité. La politique du surplace Comment une telle situation est devenue possible dans un pays où la sphère politique est marquée par la diversité ? La vague houthi a certes ankylosé le spectre politique au Yémen et n'ont subsisté que des réactions pour le moins mitigées. Et c'est à l'initiative de l'ONU que les formations politiques yéménites ont renoué dans la confusion le dialogue sur une sortie de crise. Le parti nassérien d'essence panarabe a annoncé son retrait définitif du dialogue pour protester contre l'opération des Houthis. Ces deniers refusent de retirer la «Déclaration constitutionnelle» ayant formalisé leur coup de force. Le 21 septembre un accord signé sous les auspices de l'ONU, et prévoyant notamment le retrait des Houthis de Sanaa, est resté sans échos. Les Houthis en ont décidé autrement en consolidant leur emprise sur le pays par une déclaration stipulant la dissolution du Parlement et l'installation de nouvelles instances dirigeantes. Leur leader, le charismatique Abdel Malek Al-Houthi, prévient que tout dialogue devrait se faire selon ses conditions. L'avenir du Yémen ne pourra se faire sans les Houthis, décidés plus que jamais à peser en se plaçant dans la posture du plus fort. La déclaration du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a demandé que le président Hadi soit «rétabli dans sa légitimité» dans les plus brefs délais sonne creux dans un pays qui semble avoir échappé à tout contrôle. Probablement pour anticiper une situation d'isolement interne après le rejet de leur coup de force, qui a suscité des manifestations hostiles et une mobilisation des tribus sunnites, les Houthis redoublent de signes de fermeté envers leurs détracteurs. Les Houthis devenus les nouveaux maîtres du pays sont condamnés à tisser des alliances pour pouvoir gouverner un pays difficile livré à toutes les velléités de manipulation émanant du voisinage immédiats et des puissances régionales et mondiales. Dernière réaction en date, celle de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui compte 57 pays membres, a dénoncé «un coup d'Etat des Houthis au Yémen», estimant que cela «menace la paix et la sécurité dans la région et dans le monde». Pour les Houthis la pression risque de devenir de plus en plus intenable pour pouvoir gouverner. Et le clash entre les différentes parties menace de nouveau. Le Yémen est bel et bien sur un volcan. M. B.