«[…] Il est important de poursuivre et d'intensifier la lutte contre les pratiques du favoritisme et les passe-droits, sources de frustrations et de découragement, et contre la corruption dont les effets contribuent à saper gravement le sens et le goût de l'effort. L'action de modernisation de l'administration publique devra permettre une efficacité de la fonction de contrôle à tous les échelons. La facilitation des recours des usagers, comme leur suivi systématique et mieux organisé, devront concourir à cette plus grande efficience dans la lutte contre les déviations», a déclaré hier le président de la République lors de sa prestation de serment. Abdelaziz Bouteflika s'est à maintes reprises engagé à lutter contre ce genre de pratiques, notamment la corruption qui gangrène, faut-il le souligner, l'ensemble des secteurs aussi bien économiques qu'administratifs. Cependant, très peu de citoyens y ont cru tant il est vrai que, dans la pratique, le népotisme, le clientélisme (au sens négatif du terme) sont constatés quotidiennement par le commun des Algériens. C'est dire qu'au bas de l'échelle, les directives et les instructions données ne sont pas suivies d'effets, si ce n'est pour solder des comptes. Certes, beaucoup d'affaires et de scandales ont éclaté ces dernières années. Mais si l'on excepte le traitement des dossiers comme celui de Khalifa Bank, la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA), qui n'ont pas par ailleurs connu d'épilogue, et quelques autres liés à la dilapidation de deniers publics, il faut dire qu'il en reste encore qui sont apparemment mis sous le coude. C'est le cas de l'affaire de l'ex-wali de Blida, de l'ex-wali de Tarf arrêté et emprisonné en décembre 2006 avant d'être remis en liberté, et astreint au contrôle judiciaire et dont on n'entend plus parler. Il y a également le scandale du détournement des terres agricoles, le détournement des 1 300 milliards de centimes de la BNA, du fonds algéro-koweïtien d'investissement, dont le directeur général, El Mili, est en fuite aux Etats-Unis, profitant du fait qu'il n'existe aucun accord d'extradition entre l'Algérie et les Etats-Unis, ou encore Jutop et l'OAIC. D'aucuns des citoyens estiment qu'à l'époque, les pouvoirs publics avaient engagé une campagne «mains propres», comme celle de 1996 visant certaines personnes. Dès lors, ils sont aujourd'hui en droit de s'interroger sur le silence qui entoure ces affaires, même s'ils ne remettent pas en cause la volonté du président de la République d'en finir avec les suceurs de l'économie nationale. Ils sont en droit de s'interroger sur la non-installation de structures prévues par la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, mais aussi sur l'absence de contrôle de la part du fisc, censé surveiller les signes extérieurs de richesse qui ne sont aucunement en rapport avec le revenu des personnes concernées. C'est le cas, malheureusement de beaucoup d'Algériens, qui se sont illégalement enrichis à la faveur de vides juridiques dans les textes, de la situation sécuritaire du pays, de commissions perçues par les entreprises étrangères pour l'octroi de marchés. Les collectivités locales ne sont pas en reste. Les citoyens constatent à leur corps défendant l'enrichissement rapide de ceux en qui ils ont mis leur confiance pour gérer leurs affaires. Des villas sont construites à coups de milliards, avec des vues imprenables, et dominent pour certaines les communes. La tâche s'avère ardue, car il s'agit avant tout de s'attaquer à ce qui est palpable, mais aussi à toutes les résistances au sein des administrations de contrôle dont certains cadres se sont adonnés à la culture d'une rente régulière moyennant silence ou disparition du dossier. Et il demeure clair que ce ne sont pas les déclarations du chef de l'Etat qui pourront à elles seules venir à bout du népotisme, des passe-droits et de la corruption. La justice doit aussi se défaire de quelques-unes des pratiques très ancrées. On ne le dira jamais assez, le développement d'un pays, l'avènement d'une véritable démocratie passent inéluctablement par l'indépendance pleine et entière de Dame justice. Le civisme des citoyens joue également un rôle prépondérant, non dans la délation mais dans la dénonciation de tout dysfonctionnement et autres fléaux. F. A.