Les thoniers méditerranéens étaient réunis la semaine dernière dans leur fief marseillais pour démontrer, avec l'appui de plusieurs scientifiques, que le stock de thon rouge se porte bien. "A l'heure de la remise en cause des conclusions du Giec sur le climat, l'expertise scientifique sur la pêche deviendra-t-elle à son tour objet de polémique ?", s'interroge le Journal de l'environnement.Le parallèle n'est pas anodin car, de la même manière que certains confondent climat et météo, d'autres semblent oublier que "le doublement des densités de jeunes thon rouge observées en 2009 par rapport à 2001 et 2003 dans le golfe du Lion" ne "signifie pas que le stock global de l'espèce soit en bonne santé", note Jean-Marc Fromentin de l'Ifremer, qui a mené cette étude. Et pour cause : le golfe ne représente que "1% des zones fréquentées par l'espèce", précise le chercheur. Et comme pour le climat certaines vérifications seraient salvatrices pour éviter que des gros titres ne déclenchent la polémique : Fromentin "dément remettre en cause la surexploitation du thon rouge et indique qu'il n'a pas été interrogé par le journaliste", explique le JDLE. Et assène, comme ses homologues climatologues que "le rapport de la Cicta est élaboré sur la base d'un consensus scientifique et approuvé ensuite par une centaine de scientifiques". Puis par un comité d'experts nommés par la FAO... Selon le professeur Corrado Piccinetti, responsable du laboratoire de biologie marine et de pêche de l'université de Bologne (Italie), l'un des quatre scientifiques présents à Marseille, le thon rouge (Thunnus thynnus) n'est pas "en danger". "Si vous allez en mer, vous trouvez du thon. Si vous faites du survol aérien, vous trouvez des quantités plus grandes qu'il y a dix ans. Mais sur le papier, nous n'avons pas d'information scientifique valable pour dire si le stock est en danger ou pas", a-t-il expliqué, prenant ainsi le contre-pied des défenseurs de l'environnement qui estiment que les stocks mondiaux de thon rouge ont baissé de 75 % entre 1957 et 2007. Membre du comité scientifique de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (Cicta), le biologiste italien Antonio Di Natale a, de son côté, mis en cause "la fiabilité des modèles" qu'il juge "trop aléatoires pour garantir une évaluation certaine des stocks." Le comportement de ce poisson fascinant, qui peut vivre 40 ans, pèse jusqu'à une demi-tonne et migre sur de très grandes distances et à différentes profondeurs, en Méditerranée et sur tout l'océan Atlantique, est en effet très difficile à mettre en équation. Faut-il, dans ces conditions, lâcher la bride sur le cou des pêcheurs ? Jean-Marc Fromentin, chercheur à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), n'est pas de cet avis. Si la campagne de survol du golfe du Lion, qu'il a menée de juin à septembre derniers, avec trois de ses collègues, a montré une densité de thon deux fois supérieure à celle observée dans le même secteur entre 2000 et 2003, il est encore trop tôt pour en déduire, selon lui, que le stock s'est reconstitué. "Il s'agit de signes encourageants, qui montrent que les mesures de protection mises en place en 2007, notamment la hausse du poids minimum de capture, passé de 10 à 30 kg, sont efficaces," explique-t-il. "L'immense majorité des poissons du golfe du Lion étant des juvéniles qui ne sont plus capturés, il est normal que l'on en trouve plus aujourd'hui." Selon lui, "la gestion des ressources marines ne peut se faire que sur le long terme, surtout avec le thon dont la productivité du stock est faible, de l'ordre de 25 000 à 30 000 tonnes par an, alors que les captures ont été deux fois supérieures pendant la période 1995-2005. Pour être efficaces, ces mesures de protection doivent être appliquées pendant au moins dix ans."