Airbus a annoncé lundi la nomination d'un nouveau responsable du programme de l'A400M, ainsi que d'un adjoint aux avions militaires, après avoir à nouveau appelé les pays clients de l'avion de transport militaire à l'aide la semaine dernière. Michael Menking, actuellement chargé de l'observation spatiale de la terre chez Airbus, a succédé Kurt Rossner à partir d'hier à la tête du programme A400M, a précisé le groupe dans un communiqué. Ce changement intervient au moment où le groupe d'aérospatiale et de défense s'apprête à reprendre des négociations difficiles avec ses pays clients. Les retards de l'avion de transport militaire, qui connaît en outre de nouveaux problèmes de moteur, ont forcé Airbus à passer une nouvelle charge de 1,2 milliard d'euros dans ses comptes du quatrième trimestre, portant le total à 2,2 milliards pour 2016. Concernant Kurt Rossner il prendra la tête des avions de combat (comprenant la part d'Airbus dans l'Eurofighter Typhoon), remplaçant Alberto Gutierrez qui est devenu l'adjoint de Fernando Alonso dans l'activité d'avions militaires
Des négociations sur deux fronts Face aux nouvelles difficultés de l'A400M, Airbus va mener de rudes négociations sur deux fronts, cherchant à la fois à convaincre les Etats clients et les motoristes d'éponger une partie des pertes de l'avion de transport militaire. Le groupe a demandé jeudi dernier de nouvelles discussions avec les Etats européens afin de diminuer les "lourdes pénalités" liées au retard du programme qui l'ont forcé à passer une nouvelle charge de 1,2 milliard d'euros dans ses comptes du quatrième trimestre 2016. Le programme de 20 milliards d'euros a pâti de querelles politiques depuis son lancement en 2003. En parlant de nouvelle "crise" et en réclamant des discussions ministérielles, Airbus semble reprendre la stratégie qui lui avait permis d'obtenir un renflouement de 3,5 milliards d'euros en 2010. Cette fois, le président exécutif d'Airbus Tom Enders va avoir plus de mal à obtenir un nouvel accord pour venir de nouveau en aide à l'A400M, dont les sept pays clients sont l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg et la Turquie, estiment des analystes et des sources proches du dossier. "Je vois pourquoi Tom Enders fait ça, parce qu'ils doivent arrêter l'hémorragie", a estimé un participant à des négociations passées. "Mais ça va être difficile. Les Etats ne roulent pas sur l'or et ont du mal à financer le matériel qu'ils ont déjà."
Une réaction tiède Le différend souligne à la fois les difficultés commerciales inhérentes aux programmes militaires et le poids de l'héritage de la stratégie passée de croissance d'Airbus dans la défense. L'A400M, qui visait à améliorer les capacités européennes lors de ses opérations extérieures, a déjà accumulé quatre ans de retard et dépassé son budget de 50%. La réaction des Etats et des motoristes au nouvel appel à l'aide d'Airbus a donc été particulièrement tiède. L'Allemagne, premier client de l'A400M, a dit la semaine dernière que c'était à Airbus de résoudre les problèmes. Quant à l'Espagne, elle a exprimé sa "surprise" après les déclarations de Tom Enders et l'a invité à participer à une réunion ministérielle prévue le 30 mars. De son côté, le directeur général de Safran Philippe Petitcolin s'est dit vendredi dernier prêt à discuter de modifications du contrat du moteur de l'A400M, sans pour autant supporter les pénalités dues par le constructeur en raison des retards de livraisons aux pays clients. Airbus rejette la responsabilité des difficultés chroniques du programme sur les motoristes et les querelles politiques, mais le groupe a pour sa part peiné à fournir les capacités prévues de parachutage et de ravitaillement, ainsi que les systèmes de défense nécessaires pour l'utilisation de l'A400M sur des théâtres de conflits. Airbus avait sélectionné à l'origine Pratt & Whitney Canada, filiale de l'américain United Technologies, spécialiste des gros moteurs nécessaires pour l'A400M, mais les Etats clients ont imposé un consortium européen constitué de Safran, le britannique Rolls-Royce, l'allemand MTU Aero Engines et l'espagnol ITP, filiale de Rolls. A la suite de nouveaux problèmes de la boîte de transmission fournie par l'italien Avio, désormais propriété de General Electric, Airbus estime que le programme A400M est de nouveau en difficulté. Selon les analystes, il paraît peu probable qu'Airbus obtienne rapidement un nouveau renflouement, ce qui conduira le groupe à entamer à nouveau sa trésorerie en 2017 et en 2018. La situation générale d'Airbus s'est en effet améliorée depuis son dernier appel à l'aide, en 2009, tandis que les Etats continuent à rencontrer des problèmes budgétaires. A l'époque, l'action du groupe peinait à repartir après avoir touché des plus bas record aux alentours de dix euros - à comparer à un pic près de 70 euros la semaine dernière. Selon certaines sources, la campagne d'Airbus vise en priorité à obtenir des indemnités du consortium de motoristes grâce à un soutien politique. Sa montée au créneau fait suite à l'échec de discussions menées en privé avec les motoristes l'été dernier. Des responsables des motoristes rappellent que c'est le consortium qui a payé les nouvelles boîtes de transmission, et non pas Airbus, et se demandent dans quelle mesure les moteurs sont responsables des nouvelles pertes financières. Airbus a de longue date des relations difficiles avec ses fournisseurs. L'accident qui avait causé la mort d'un équipage de quatre personnes lors d'un vol d'essai en 2015 avait ravivé les tensions, ramenant l'attention sur l'absence d'alarmes lorsque les données liées au moteur sont accidentellement effacées.