Le déficit commercial de la France s'est à nouveau creusé en juin sur fond de ralentissement des échanges, contribuant à porter le déficit cumulé au cours du premier semestre à son plus haut niveau depuis le premier semestre 2012. Selon les statistiques CVS/CJO publiées par les Douanes, le déficit de juin s'est établi à 4,7 milliards d'euros, en hausse par rapport au déficit de mai, qui a été revu à 4,4 milliards d'euros contre 4,9 milliards en première estimation. Sur les six premiers mois de 2017, le déficit cumulé atteint 34,4 milliards contre 23,0 milliards au cours du premier semestre 2016, un plus haut depuis le premier semestre 2012. Le début de l'année a notamment été pénalisé par des livraisons d'Airbus en berne et l'alourdissement de la facture énergétique, conduisant le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à qualifier d'"extraordinairement préoccupants" les chiffres du commerce extérieur, dans un entretien publié le mois dernier dans Les Echos. Au cours du premier semestre, la croissance des importations est restée dynamique (+4,4%, après +3,1% au deuxième semestre 2016 et -0,9% au premier semestre 2016). Le rythme de croissance des exportations a en revanche ralenti (+1,3%, après +2,0% au deuxième semestre 2016 et -1,2% au premier semestre 2016).
"Point faible" Pour Philippe Waechter, chef économiste de Natixis AM, cette accélération des importations sans effet majeur sur les exportations depuis le printemps dernier est "un peu préoccupante". "On n'a pas le sentiment que l'exportation française en moyenne a bénéficié de l'accélération du commerce mondial", a-t-il déclaré à Reuters. Selon lui, la dynamique ne va pas se modifier fondamentalement au cours des prochains mois. Les exportations vont probablement s'améliorer - au vu de la progression du sentiment des chefs d'entreprise sur les commandes à l'export dans les enquêtes de conjoncture ces derniers mois - mais la croissance va parallèlement tirer les importations à la hausse. De son côté, l'Insee a estimé dans sa note de conjoncture de juin que la combinaison d'un rebond des exportations et des importations vigoureuses permettrait au commerce extérieur de moins pénaliser la croissance cette année qu'en 2016 : après avoir plombé l'activité l'an dernier, avec une contribution négative de 0,8 point, il ne devrait amputer la croissance que de 0,3 point cette année. Mais "la capacité de rebond des exportations" et "la capacité de l'économie française à bénéficier de l'amélioration de l'environnement international" figurait au rang des aléas mis en avant sur ces prévisions. Sans compter que l'appréciation de l'euro depuis le début de l'année - qui s'est accentuée ces dernières semaines - pourrait pénaliser les exportations. En résumé, "le commerce extérieur reste un point faible de la conjoncture française, pour des raisons liées à une incapacité à exporter des produits de qualité", estime Philippe Waechter. Dans le détail, sur le mois de juin, les importations ont atteint un montant de 43,8 milliards, soit une baisse de 2,0% par rapport à mai. Les exportations ont également reflué - accusant notamment le contrecoup de la livraison du paquebot Meraviglia en mai - et s'inscrivent en recul de 2,8% à 39,2 milliards d'euros. Le déficit des seuls produits manufacturés a atteint 3,98 milliards d'euros contre 3,40 milliards en mai. Le mois de juin a été marqué par une moindre performance d'Airbus, les livraisons du mois de l'avionneur représentant un total de 2,68 milliards d'euros (31 appareils) contre 2,93 milliards (32 appareils) un mois plus tôt. "La performance du mois souffre à la fois de la comparaison au résultat du mois précédent et à ceux des mois de juin des deux années antérieures (respectivement 3,314 et 2,850 milliards en juin 2015 et 2016), ce qui renforce l'impact du repli mensuel en données corrigées des variations saisonnières", soulignent les Douanes. Par zones géographiques, le déficit avec les pays hors Europe s'est creusé à 3,16 milliards d'euros en juin (2,59 milliards en mai). Celui avec les autres pays de l'Union européenne s'est réduit à 3,21 milliards (contre 3,45 milliards en mai). Avec la seule zone euro, il s'est inscrit à 3,38 milliards contre 3,09 milliards un mois plus tôt.
Philippe reconnaît un "sujet" de compétitivité Edouard Philippe a reconnu mercredi qu'il y avait "un sujet" sur la compétitivité française à l'heure où le déficit commercial se creuse encore lourdement, en défendant la politique de baisse d'impôt et d'économies budgétaires de l'exécutif, destinée à éviter une France "engoncée" et qui "ne bougerait plus". "On va d'abord tailler dans les impôts. C'est-à-dire qu'on va baisser les impôts", a confirmé le Premier ministre, interrogé sur RTL sur sa stratégie économique et budgétaire. "Nous pensons qu'il y a un sujet de trop grande pression fiscale dans ce pays, que cette fiscalité nuit à la compétitivité des entreprises et du pays en général. Vous avez vous-même dans une chronique d'une grande clarté indiqué qu'il y avait un sujet sur la compétitivité de l'économie française, notamment sur le commerce extérieur", a-t-il poursuivi. Le déficit commercial de la France s'est alourdi de près de huit milliards d'euros au cours du premier semestre, avoisinant les 34 milliards d'euros, avec un regain de croissance qui s'est traduit par une hausse des importations. "Nous voulons donc faire en sorte que l'économie reparte, reparte encore plus vite qu'aujourd'hui, qu'on ne soit pas comme engoncés dans un pays qui ne bougerait plus et qui se contenterait d'une croissance molle et de gérer au jour le jour une situation qui se dégraderait", a justifié le chef du gouvernement, qui vient d'envoyer lundi à ses ministres ses premières lettres de cadrage budgétaires pour 2018. S'il a confirmé sans surprise les diverses baisses d'impôt déjà annoncées par l'exécutif (réforme de l'impôt sur la fortune, baisse de l'impôt sur les sociétés, prélèvement forfaitaire réduit sur l'épargne...), le Premier ministre est resté plus vague sur les grands choix budgétaires de la rentrée pour 2018. "Il y aura des efforts partout mais un budget ça traduit des choix", a-t-il dit, promettant un budget "ambitieux". Il y aura "plus de moyens à la défense car nous vivons dans un monde dangereux, plus à la justice", a-t-il répété. Le Premier ministre a également défendu l'annulation de crédits budgétaires pour 2017, en soulignant qu'il s'agissait de crédits qui avaient déjà été "gelés". "Je suis fasciné que certains députés socialistes viennent nous reprocher d'annuler des crédits gelés, alors que gouvernement de l'an passé a fait la même chose", a-t-il dit.
Déficit budgétaire en hausse Le déficit du budget de l'Etat français s'élevait à 62,3 milliards d'euros fin juin, en légère hausse (464 millions) par rapport à la même période il y a un an, selon les données publiées mardi par le ministère de l'Action et des Comptes publics. Au 30 juin, les dépenses (budget général et prélèvements sur recettes) s'établissaient à 201,5 milliards d'euros contre 193,9 milliards un an plus tôt, soit une hausse de 3,9% (2,9% à périmètre constant) par rapport à fin juin 2016. Le ministère souligne dans un communiqué que, "au-delà des évolutions inscrites en loi de finances initiale, le mois de juin présente un ressaut lié au décalage calendaire de comptabilisation de subventions à des établissements publics, en avance d'un mois cette année pour 3,5 milliards d'euros". A la même date, les recettes s'élevaient à 160,2 milliards d'euros, contre 155,1 milliards, une progression de 3,3% à périmètre constant (+2,9% à périmètre courant). Les seules recettes fiscales nettes ont progressé de 3,9% rapport au premier semestre 2016, cette évolution étant principalement alimentée par une hausse de 5,2% (à 74,6 milliards d'euros) des recettes de TVA. Les recettes non fiscales ont en revanche plongé de 37,2% à 3,0 milliards d'euros par rapport à juin 2016 en raison de la baisse du produit des amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence et de la "non-reconduction de la recette constatée en janvier 2016 au titre des redevances d'usage des fréquences radioélectriques". Le solde des comptes spéciaux est déficitaire de 20,9 milliards contre 23,0 milliards fin juin 2016, mais il "n'est pas significatif à ce stade de l'année", précise le communiqué. En 2016, le déficit de l'Etat s'est élevé à 69,0 milliards d'euros. Pour 2017, la loi de finances l'anticipe en légère hausse, à 69,3 milliards d'euros.
Au printemps, le tourisme a fait mieux La fréquentation touristique a continué de se redresser en France au printemps et dépasse désormais les niveaux enregistrés en 2015, avant les attentats. Le nombre de nuitées dans les hébergements collectifs touristiques (hôtels, campings, résidences de tourisme, villages de vacances, etc.) a progressé de 10,2% au deuxième trimestre, sur un an, d'après des chiffres de l'Insee publiés mardi. Cette progression, pour le troisième trimestre consécutif, repose à la fois sur la progression de la clientèle française et le retour des étrangers. Portée par une belle météo et un calendrier scolaire favorable, elle permet de tourner la page d'une année 2016 catastrophique. Fortement touchée par les attentats de Paris en novembre 2015 et de Nice en juillet 2016, la fréquentation touristique avait commencé à se redresser en France au quatrième trimestre de l'an dernier (nuitées en hausse de 3,9% sur un an), puis au premier trimestre 2017 (+1,1%). La progression s'est accélérée au printemps "et fait plus que compenser le net repli enregistré un an plus tôt (-5,3%) durant la période post-attentats". L'Insee comptabilise 107,1 millions de nuitées au deuxième trimestre et souligne que ce chiffre "dépasse de plus de 4% celui du deuxième trimestre 2015".
Paris en tête "La hausse est particulièrement marquée dans l'agglomération parisienne (+12,6% dans les hôtels et +27,6% dans les autres hébergements touristiques). De plus, la fréquentation des campings en début de saison atteint un record historique (+18,7%)", souligne l'Insee. Pour Didier Arino, du cabinet d'études Protourisme, ces chiffres sont à relativiser. "On parle de nuitées touristiques, ce n'est pas du chiffre d'affaires", souligne-t-il. La croissance des ventes pour l'hôtellerie en France se situe plutôt autour de 3,5% au premier semestre, selon lui, car, parallèlement à la hausse de fréquentation, "le prix des chambres a baissé". S'il reconnaît que "le printemps a été très bon" et que "l'effet attentat s'estompe", il prévient que le mois de juillet s'avère "extrêmement décevant". "Bon nombre de gens qui ont pris des vacances en France au printemps sont ensuite partis à l'étranger", estime-t-il. "Il a manqué les réservations de dernière minute", notamment sur la côte atlantique où la météo a été mitigée.
Les campings à la fête Il constate aussi que les vacanciers dépensent moins. Leur "budget est en baisse de 100 euros en moyenne", faute de pouvoir d'achat. Du coup, les restaurateurs souffrent, subissant une baisse de 15 à 25% de leur chiffre d'affaires sur le littoral atlantique et languedocien, selon Protourisme. Cependant, le mois d'août est "plutôt bien réservé", notamment sur la Côte d'Azur, ce qui pourrait sauver la saison estivale, d'après M. Arino. Il souligne aussi la "poussée considérable de la location entre particuliers", un marché non pris en compte par les statistiques de l'Insee mais qui enregistre "une croissance à deux chiffres". Ainsi, la plateforme Airbnb enregistre 50% de progression cet été en France, avec 2,5 millions d'arrivées de voyageurs. "C'est plus que nos prévisions de début juillet (pour l'été) alors qu'il reste encore 3 semaines en août", précise une porte-parole de l'entreprise. Alain Faveau, président du groupement de campings haut de gamme Sunelia, confirme la belle santé de l'hôtellerie de plein air, tirée selon l'Insee par l'activité des hébergements les mieux classés (+24,2% de nuitées au deuxième trimestre pour les 4-5 étoiles). "On a fait un très bon printemps, avec une hausse du chiffre d'affaires de 16%", se réjouit M. Faveau, qui précise que Sunelia affiche complet pour juillet et août, "comme l'an dernier". Il constate "une augmentation de la clientèle étrangère" notamment belge. Les chiffres publiés mardi confortent la prévision du ministre du Tourisme, Jean-Yves Le Drian, qui avait affirmé en juillet que "la France pourrait atteindre 88 à 89 millions de touristes étrangers en 2017, soit une hausse de 5 à 6%" par rapport à 2016. Le gouvernement se fixe l'objectif ambitieux d'accueillir 100 millions de visiteurs étrangers en France en 2020.