[email protected] De la joie, du bonheur ! C'est ce qui se lisait dans les yeux de ces enfants de dix ans, qui foulaient pour la première fois leur montagne. Ils sont d'El M'hir, une commune rurale à l'ouest de Bordj-Bou-Arréridj, et pourtant ils ne l'avaient encore jamais escaladée. Ils étaient excités à l'idée de rencontrer les gens d'Alger qui partageront avec eux ces moments de découverte. Ils quittent le bus affrété par le maire pour la circonstance et, en file indienne, avec à leur en tête Lazhar le marin, entament la marche. Ils ramassent des morceaux de roche cristalline. Emerveillés par ses scintillements, ils courent vers leur guide et le bombardent de questions. Ils marchent, essoufflés, les yeux rivés au ciel, abasourdis par l'immensité de la montagne cernée par une carrière qui la ronge chaque jour un peu plus. Aujourd'hui, les engins sont à l'arrêt et la dynamite ne tonne pas. Le vendredi, c'est une journée de repos. Ils scrutent le sol, ramassent cette terre effritée qu'ils frottent entre leurs mains, tantôt de couleur orange, tantôt blanche et s'interrogent. Des explications leur sont prodiguées à partir de cette matière friable et de ces cailloux. «Cette montagne respire, vit, elle a une histoire. Comme vous, elle est sortie du ventre d'une maman qui n'est plus là. Elle a vécu de grandes aventures qui l'ont mûrie.» Ils forment un cercle autour des animateurs avides de leurs paroles. Ils poursuivent leur ascension sous un soleil printanier, pour atteindre une grotte bien entamée par l'industrie d'agrégats. Fatigués, ils se débarrassent de leur sac à dos, prennent une rasade d'eau, et, affamés, mordent dans leur sandwich, que chacun a préparé la veille. Après quoi, commence la visite de la grotte. Cette fois ils grimpent pour atteindre sa vaste ouverture. Ils sont vite frappés par la chaleur qui s'y dégage. Ils ne s'y attendaient pas. Ils sont fascinés par toutes ses parois drapées de gros cristaux translucides. «Ici, vos grands-parents, bergers de leur état, abritaient leurs troupeaux.» Ils s'empressaient ensuite de dégringoler dans l'hilarité la pente, faisant fi de toute la poussière qu'ils soulevaient et du ballet d'hirondelles de montagne qu'ils dérangeaient sur leur passage. Des plantes, des fleurs qu'ils n'avaient jamais vues auparavant aiguisèrent leur curiosité, néanmoins assouvie par les explications de Aziz, le botaniste. Du sommet de la montagne, ils embrassent à 180° leur territoire de la prestigieuse chaîne des Bibans. Ils font un coucou au Djurdjura couvert d'un manteau de neige. Aigles et vautours, ailes bien déployées, tournoient, emportés par les courants ascendants. Nos gamins se sont réconciliés, l'espace d'une journée, avec leur montagne, Kef Lahmar, connue mondialement par certains scientifiques.