Hier, c'était le premier jour du ramadhan mais c'était surtout le jour d'avant. Ça ne fait que quelques jours depuis le dernier «jour d'avant» mais ça fait déjà une éternité. Ça fait quand même incongru que le jour d'avant relègue le jour «J» au second plan, mais c'est ainsi. La coupe du monde, ça vous fait déjà oublier jusqu'à votre mère. La coupe du monde avec l'Algérie en huitièmes de finale, ça vous fait oublier votre mère, vos enfants, toute la tribu et l'Humanité entière. D'abord parce que le ramadhan, c'est chaque année, même si ce n'est pas à la même période. Même si on a été à la dernière coupe du monde en Afrique du Sud, ça fait quand même quatre ans. Et avant ça, on a dû attendre vingt-quatre ans avant d'accéder au plus prestigieux rendez-vous de la «planète foot». C'est la deuxième fois qu'on participe deux fois consécutivement à cette compétition. Contrairement à la deuxième de la première fois, la deuxième de la deuxième fois est la bonne. «Historique», selon tout le monde, moins les jaloux, les haineux et les racistes qui sont souvent les mêmes. Hier c'était le premier jour du ramadhan mais on n'y a pas beaucoup pensé. Le soir du doute s'est déplacé dans une insoutenable dérive des continents. Hier, on n'a pas beaucoup parlé du ramadhan même s'il y avait beaucoup de choses à en dire en raison de la chaleur, du prix de la courgette et des pannes de réseau à la poste. On n'a pas beaucoup parlé du ramadhan mais on a quand même parlé de l'un de ses rituels les plus «spectaculaires» : les tarawih. Pas celles du premier jour mais celle du deuxième. C'est bizarre, quasiment incompréhensible, mais c'est comme ça. Le monde Algérie est suspendu au deuxième jour de ramadhan, c'est-à-dire aujourd'hui, lundi, des fois qu'il y aurait quelques âmes égarées pour l'oublier. Parce que les tarawih d'aujourd'hui, elles ne seront pas comme les autres. Les tarawih au moment du «Match», vous vous rendez-compte ? Bien sûr, il est plus confortable et surtout plus rassurant de dire qu'il n'est pas question de sacrifier la prière pour un match de foot, et ils sont très nombreux à s'en défendre. Mais est-ce vraiment d'un match de foot qu'il s'agit quand l'Algérie joue un huitième de finale de coupe du monde contre l'Allemagne ? Pas sûr, quand on sait qu'on a déjà dépêché un imam au Brésil avant même qu'on accède à «ce stade de la compétition», comme on dit dans le jargon sportif. Quant à ceux que l'idée de rater ne serait-ce qu'une minute du match n'effleure même pas, ils ne seront pas nombreux à le dire en public, même s'ils sont les plus… nombreux ! Mais on en parle quand même dans le secret des chaumières, à une table isolée dans un coin du café de quartier ou sous un lampadaire de parking. Après tout, les tarawih, ce n'est qu'une «sunna», et la clémence de Dieu est infinie. Pour les qu'en dira-t-on, personne ne tient un registre d'émargement aux portes des mosquées. Ce soir, ça va être une nuit du destin avant le vingt-septième jour. Un destin qui va s'accomplir dans la victoire ou la défaite, puisque l'équipe nationale a déjà gagné. On l'a déjà oublié mais on se le rappellera à la fin du match et des tarawih. Quelle qu'en soit l'issue. [email protected]