Il y a trente ans, le 6 février 1986, Mahieddine Bachtarzi, l'une des plus belles voix de la musique andalouse de tous les temps et l'un des plus grands hommes de théâtre, dont il est l'un des piliers aux côtés notamment de Allalou, Dahmoune et Rachid Ksentini, disparaissait. Mahieddine Bachtarzi était un très grand chanteur d'andalou, un excellent comédien et un infatigable manager artistique. Né le 15 décembre 1897 à la Casbah d'Alger, cet artiste était l'homme à tout faire. Dans les années 1930-1940, il dirigeait «Les tournées Mahieddine», une troupe qui présentait à longueur d'année des pièces de théâtre, suivies de concerts de musique et de spectacles de danse. Mahieddine, qui écrivait des sketchs ou adaptait des pièces de Molière, qu'il mettait en scène lui-même, jouait en tant que comédien, prêtait également sa voix pour chanter, mais s'occupait également de la régie et de l'administration. Lors de tournées à travers le pays, il ne ratait pas l'occasion de détecter de jeunes comédiens comme la grande Keltoum qu'il a découverte à Blida. Il y a quelques années, lors d'un hommage organisé par l'établissement Arts et culture, le professeur et chercheur Hadj Miliani avait tenu à rappeler que c'est Mahieddine Bachtarzi qui a exporté l'andalou en France afin que nos émigrés puissent profiter de cette musique. On devrait ajouter que l'un de ses maîtres Edmond Yafil a également joué un rôle dans la préservation de cette musique même s'il a déclaré une grande partie des chansons à son nom au niveau des droits d'auteurs en France. Hadj Miliani avait relevé le sens d'organisation de Mahieddine qui était parmi les premiers à être inscrit aux droits d'auteur. Le spécialiste avait noté que Mahieddine était à la fois chanteur, metteur en scène, répétiteur, comédien et manager. De son côté, Abdelhakim Meziani avait relevé que Mahieddine a été nommé Bach Hazzab à 17 ans alors que pour avoir cette place, il fallait réciter par cœur le coran, avoir de bonnes connaissances de la langue arabe et avoir une belle voix. «C'est le muphti Bouqandoura qui l'intégra dans la troupe des Qessadine alors que des maîtres tels que Mohamed Benqobtane, Benchaouch et Cheikh Lakhal faisaient partie de cette troupe», avait indiqué Meziani. «C'est Yafil qui a détourné Mahieddine et c'est lui qui est derrière sa carrière artistique», avait ajouté Meziani avant de préciser qu'à cette période, il n' y avait que trois arabes dans la troupe juive El Moutribia. On devrait ajouter que ce changement dans la vie de Mahieddine a continué notamment après son départ en France à la fin des années 1920 pour une formation de chanteur d'opéra. D'ailleurs, c'est après son retour qu'il avait enregistré la chanson Kehl Erras qui avait déçu ses fans qu'il avait habitués à ses chants andalous et religieux tels que El Khezna El Kbira ou Brahim El Khalil enregistrés sur disque 78 tours. L'adaptation Pour le spécialiste du théâtre arabe et africain, le professeur Ahmed Cheniki, Mahieddine a été le premier à avoir indiqué le nom de Molière sur les affiches des pièces adaptées qu'il présentait. Selon Cheniki, «Bachtarzi savait déjà ce qu'est l'adaptation car il s'autorisait à enlever certains tableaux et scènes d'origine et algérianisait les pièces de Molière». Il faut noter que mis à part ses dons, notamment sa voix exceptionnelle, la réussite de Mahieddine est due à sa bonne base en langue arabe puisqu'il fut un élève de Abdelhalim Bensmaia. Il a appris très jeune le coran et fut surtout toute sa vie un travailleur infatigable.