Réagissant à la décision de l'Etusa d'augmenter ses tarifs, les usagers commencent à émigrer vers les transporteurs privés qu'ils avaient pourtant fuis à cause de l'anarchie qui caractérise l'intervention de ces derniers dans le secteur. Très fortement concurrencés par l'ex-RSTA, les opérateurs privés se voient ainsi offrir une chance de reprendre le terrain perdu au profit du transporteur public. Entrée en vigueur depuis mardi matin, la nouvelle tarification adoptée par le transporteur public de voyageurs Etusa continue de surprendre les usagers. Les manifestations de colère, exprimées durant la première journée, se sont répétées, hier, avec la même vigueur. Les receveurs n'arrêtent pas de payer, seuls, les frais de la décision prise par la direction de l'Etusa d'appliquer de nouveaux tarifs de base sur les déplacements dans ses bus, les escaliers mécaniques du centre-ville ainsi que les téléphériques de Bologhine, du Hamma et du Palais de la Culture qu'elle exploite depuis leur réouverture au public. Utiliser les escaliers mécaniques ou les téléphériques est dorénavant facturé à 20 DA la personne au lieu de 15 DA. S'agissant des bus de l'ex-RSTA, il vous suffit d'y mettre un pied pour que le transporteur exige de vous une pièce de 20 DA, même pour un trajet de 100 m ! La tarification de base renvoie à ce que, chez l'Etusa, on appelle une «section» qui correspond à un kilométrage donné. Celle-ci était de 5 DA et elle vient d'être portée à 10 DA, soit une augmentation de 50%. La révision de la tarification de base se répercute directement sur le tarif final par ligne. A titre d'exemple, la desserte Casbah-Ben Aknoun comporte désormais trois sections (au lieu de quatre comme avant) ; le prix du ticket est alors porté à 30 DA, au lieu de 20 DA suivant l'ancienne grille. Hier matin, sur cette même ligne, les receveurs étaient obligés de répéter à chaque fois que les tarifs ont été augmentés, «zadou», comme ils disaient. Les voyageurs réagissaient comme s'ils recevaient là une très mauvaise nouvelle. La mécanique est la suite : quand une personne donne 15 DA, comme elle a l'habitude de le faire, le receveur demande 5 DA de plus ; quand au contraire la même personne reçoit la monnaie, elle réclame 5 DA de plus, croyant que le receveur s'est trompé. Quand on leur dit : «Zadou», on les voit écarquiller les yeux ou le regard figé et la respiration coupée. N'ayant pas d'explication à donner, le receveur préfère s'éloigner rapidement en poussant des «ouf !» répétitifs. La première question que le voyageur se pose, une fois qu'il retrouve ses esprits, est automatiquement la suivante : «Le privé a aussi augmenté ?» Quand on lui répond par la négative, il se sent soulagé. Si les clients ignoraient, hier encore, tout de la décision d'augmenter les prix au moment de monter dans les bus «bleu-blanc», c'est qu'il y a une explication. «La plupart des clients qui étaient au courant ont changé de transporteur. Ceux que vous voyez ici ne le savaient pas encore, c'est tout. Ils finiront par rejoindre les bus privés comme les autres. Regardez comme le bus est vide», indique un receveur. D'ailleurs, un groupe de jeunes voyageurs lui ont promis de ramener la prochaine fois un ballon et organiser un tournoi dans le bus, histoire de profiter de l'espace ainsi dégagé par la fuite des clients provoquée par une tarification dissuasive. Le bus public devient aux yeux des usagers un transport de luxe.