Nicolas Sarkozy a commis une double erreur dans le traitement de la question des otages français aux mains de l'organisation terroriste Al Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi). Une première fois à la fin de l'année dernière en obtenant du gouvernement malien - sur lequel Paris a sans doute exercé des pressions - pour satisfaire les conditions posées par cette organisation terroriste à la remise en liberté des deux otages qu'elle détenait alors contre celle de quatre dangereux terroristes emprisonnés à Bamako. Le marché comportait même une certaine dose de supercherie à travers un simulacre de procès expéditif pour juger les quatre terroristes dont deux étaient recherchés en Algérie. Le gouvernement algérien a, bien entendu, mal apprécié l'arrangement planifié entre Paris et Bamako et l'a fait savoir de vive voix aux deux capitales. Surtout à un pays comme la France qui a, de tout temps, clamé haut et fort son refus de négocier avec le terrorisme. Dans cette affaire, l'Elysée n'a pas respecté les engagements pris de ne jamais céder aux exigences du terrorisme. Il faut se rappeler que déjà dans l'affaire des sept moines assassinés à Tibhirine, un dossier réouvert par la justice française, un émissaire du GIA avait été reçu secrètement au siège même de la chancellerie française puis raccompagné en lieu sûr. La méthode employée par Paris à Bamako n'était donc pas inédite et laisse penser que les engagements de la France en matière de lutte contre le terrorisme s'inspirent des vertus des républiques bananières. Pour Paris, les principes, la morale politique et les engagements internationaux s'arrêtent là où commencent les intérêts des ressortissants français. L'Elysée a fait dans le bricolage Une seconde fois, c'était mercredi dernier, avec le lancement d'une opération militaire menée par une unité d'élite de l'armée française au Sahel pour tenter de libérer l'otage français Michel Germaneau, enlevé dans le nord du Niger par un groupe terroriste de l'Aqmi. L'opération a été un fiasco puisqu'elle n'a pas atteint son objectif, même si une demi-douzaine de terroristes y avaient laissé leur vie. Sarkozy avait pris là un risque élevé dont il devra assumer les conséquences au plan politique dans son pays où sa cote dans les sondages est au plus bas. Hier matin, il a confirmé sur un ton solennel que Al Qaïda pour le Maghreb islamique a bien exécuté le ressortissant français en représailles à l'opération de l'armée française. On le sentait déjà à la lecture des déclarations des officiels français au lendemain de la dite opération de l'armée française que l'Elysée avait fait dans le bricolage. En risquant un coup spectaculaire destiné à soigner l'image du président de la république dans les sondages. Puis en présentant la téméraire action de son armée au Sahel comme une opération d'appui logistique aux unités de l'armée mauritaniennes dans leur lutte contre les bases arrières de l'Aqmi. Une telle explication des faits n'est ni sérieuse, ni convaincante. La France semble avoir pris une décision à haut risque dans la précipitation parce qu'elle a paniqué à la suite de l'ultimatum de deux semaines que lui a adressé l'organisation terroriste pour qu'elle fasse pression sur la Mauritanie afin d'obtenir la libération d'un certain nombre de ses membres emprisonnés à Nouakchott. Quel soutien logistique ! Le président mauritanien a-t-il résisté aux pressions en ce sens de la France ? Dans tous les cas, la France ne s'est jamais souciée jusque-là d'apporter son appui logistique dans une guerre qui a commencé depuis longtemps au Sahel. Elle sait pourtant mieux en tant que puissance coloniale de la région ce que sont les moyens militaires du Niger, du Mali ou de la Mauritanie face à ceux de l'Aqmi. L'argument de «soutien logistique» à une opération de l'armée mauritanienne ne tient donc pas la route. Paris n'a pas écouté les conseils du ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, de ne rien entreprendre qui puisse mettre en péril la vie de l'otage français et même celle des deux ressortissants espagnols enlevés le 29 novembre dernier. Aujourd'hui dans la capitale française on attend dans l'angoisse la confirmation matérielle de l'exécution du ressortissant français. L'Espagne s'inquiète En Espagne on vit aussi dans l'angoisse la menace de mort qui plane désormais sur ses deux ressortissants, à cause, dit-on en privé, de l'inconséquence de l'initiative française. La première vice-présidente du gouvernement, Mme Maria Teresa de la Vega, s'est voulue, certes, rassurante vendredi dernier en soutenant, sans trop se faire d'illusions elle-même, que les deux détenus espagnols n'étaient pas aux mains du même groupe terroriste qui avait été ciblé par l'opération militaire française. Ces propos n'ont pas pour autant rassuré les familles et les organisations civiles qui considèrent que l'intervention militaire française dans le Sahel a torpillé les efforts du gouvernement espagnol pour obtenir par la voie de la médiation la libération des deux Espagnols. Dès l'enlèvement des otages espagnols, Moratinos avait multiplié les démarches auprès des pays de la région du Sahel pour ne rien tenter qui puisse mettre leur vie en péril. Le ministre espagnol des Affaires étrangères était loin de s'imaginer que c'est de Paris et non de Bamako ou de Nouakchott que serait commis l'irréparable.