Rabat veut un autre diplomate à la place de Christopher Ross. C'est ce que Saaddine El Othmani tentera de justifier devant la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, qu'il rencontrera «prochainement». Le porte-parole du gouvernement marocain s'est limité à préciser que le conflit du Sahara sera au centre de cette rencontre, dont ni la date ni le lieu n'ont été fixés. Des «sources» proches du dossier Sahara Occidental à New York croient savoir, toutefois, que le Maroc entend maintenir la pression sur le Secrétaire général de l'ONU pour qu'il désigne le plus rapidement possible un Européen aux fonctions de Représentant pour le Sahara Occidental occupées jusque-là par M. Ross. Le silence de Ban Ki-moon Le 17 mai dernier, le chef de la diplomatie marocaine avait personnellement demandé le départ du diplomate américain à M. Ban Ki-moon qu'il avait informé de la décision de son gouvernement de lui «retirer sa confiance» qu'il accuse de «partialité» dans le traitement du conflit sahraoui. Depuis, Rabat s'impatiente de connaître la réponse de Ban Ki-moon dont le porte-parole avait affirmé, peu après le 17 mai, que le Secrétaire général de l'ONU faisait «pleinement confiance» à M. Ross. Ce qui, concrètement, ne signifie pas que le SG de l'ONU ait choisi de continuer à imposer son actuel médiateur dont la mission se trouve pour le moment totalement paralysée. On voit mal d'ailleurs comment les négociations entre le Front Polisario et le gouvernement marocain pourraient reprendre si l'une des deux parties impliquées dans le conflit sahraoui se refuserait à collaborer avec l'ONU à la recherche d'une solution au problème du Sahara Occidental. C'est pourquoi l'opinion des Etats-Unis pourrait influer sur la suite des événements. Mme Clinton pourrait, en effet, convaincre M. Ban Ki-moon, de procéder au remplacement du diplomate américain ou, à l'inverse, conseiller à l' «allié» marocain des Etats-Unis de revenir sur son retrait de confiance à Christopher Ross. Il reste encore l'éventualité, assez probable, que le Représentant onusien décide de jeter l'éponge comme l'avait fait avant lui, en 2003, son compatriote et prédécesseur à ce poste, le secrétaire d'Etat James Baker. Les manœuvres du PSOE Le gouvernement marocain se montre impatient car il se sait privé de ses deux principaux soutiens à son plan d'autonomie, le gouvernement socialiste espagnol qui a perdu les élections en novembre dernier, et plus, récemment, celui de Nicolas Sarkozy qui vient de passer en famille trois semaines de vacances à Marrakech à l'invitation du roi Mohamed VI. Ni le président espagnol Mariano Rajoy ni son homologue français, François Hollande, ne veulent se démarquer du cadre de la légalité internationale sur le problème de décolonisation du Sahara Occidental, comme l'ont fait leurs prédécesseurs. Ce qui irrite les autorités marocaines qui se sont tournées alors résolument vers leurs «amis», actuellement dans l'opposition. La droite française ne peut rien pour Rabat, car elle a des soucis avec les législatives qu'elle va perdre, selon les sondages, après avoir perdu l'Elysée. Le roi Mohamed VI décide alors de jouer la carte de l'Internationale Socialiste (IS) grâce aux liens traditionnels qui existent entre les socialistes espagnols et marocains. Les socialistes espagnols, parmi lesquels se recrutent les plus actifs membres du lobby marocain, vont donc rouler activement pour le royaume alaouite. L'agence Europa Press a rendu compte d'un déjeuner de travail organisé à Madrid, la semaine dernière, par une baronne du lobby, Elena Valenciano, numéro deux du PSOE, auquel avait été conviés deux représentants du parti marocain, l'Union des forces socialistes populaires (USFP), le chef du bureau du Front Polisario à Madrid, Beyoune Bouchraya, accompagné d'un adjoint, et Abdelhamid Si Affif, ancien président de la Commission des affaires étrangères du FLN, aux côtés du secrétaire général de l'Internationale Socialiste, Luis Ayala. L'USFP est, comme le FFS de Hocine Aït Ahmed, déjà membre à part entière de l'Internationale Socialiste, un statut auquel aspire le FLN et au sein de laquelle le Front Polisario jouit du statut d'observateur. Mission de l'IS en Algérie et au Maroc L'objectif de Mme Valenciano serait d'«aider à relancer le dialogue» entre le Front Polisario et le Maroc. C'est à cette fin qu'une délégation de l'Internationale prévoit de se rendre, elle aussi, «prochainement», en Algérie et au Maroc, dans le but de «relancer les négociations maroco-sahraouies dans le cadre de l'ONU» sur le conflit qui les oppose. Connu pour son soutien au plan d'autonomie marocain dont il est l'inspirateur, et artisan de l'initiative de l'Internationale Socialiste, le PSOE n'a pas exprimé le moindre soutien à Christopher Ross depuis que le Maroc a demandé sa tête. Des observateurs, connaisseurs du dossier sahraoui, voient dans la manœuvre du PSOE une initiative concrète dont l'objectif serait, dans l'immédiat, de marginaliser le diplomate américain. A terme, des pressions de l'IS s'exerceraient sur Ban Ki-moon pour l'obliger à trouver un diplomate, européen de préférence, plus favorable au plan d'autonomie marocain, à l'image de l'ex-Représentant personnel du SG de l'ONU, le Hollandais Peter van Walsun, dont la mission avait été bloquée pour cette raison, en 2009, par le Front Polisario.