Le forcing américain n´a pas réussi, jusqu´ici, à ébranler la conviction des opposants à la guerre programmée contre l´Irak. L´Irak continue de focaliser l´attention du monde qui tente de prévenir une guerre que politologues et experts estiment unanimement injustifiée. Ce qui n´est pas l´avis de Washington et de Londres qui se sont investis d´autorité procureurs du dossier, instruisant une accusation qui, jusqu´ici, pèche par un manque flagrant de preuves et de consistance. Sur le terrain depuis maintenant près de trois mois, les inspecteurs en désarmement de l´ONU n´ont, jusqu´à présent, pu corroborer aucune des accusations des Etats-Unis, et les quelques anomalies relevées par les experts onusiens sont loin, même très loin, -de l´avis même de nombreux pays à leur tête la Russie et la France-, de justifier une guerre hasardeuse. Revenant sur les informations que détiendrait Washington sur la détention par Bagdad d´armes de destruction massive, un inspecteur de l´ONU, non identifié, a affirmé, hier, dans un entretien au quotidien britannique, Daily Mirror, que «Les Etats-Unis ont d´abord mis beaucoup de temps à fournir des renseignements, puis lorsqu´ils l´ont fait, ils se sont révélés très inexacts» ajoutant: «Franchement nous avons autre chose à faire qu´à courir le pays à la recherche de soi-disant preuves». Le journal londonien indique que «les inspecteurs ont déclaré n´avoir rien trouvé sur un site présumé de recherche nucléaire montré sur des photos satellites à l´ONU, ni dans l´un des palais présidentiels irakiens pour lequel ils avaient reçu les coordonnées précises de preuves compromettantes». Malgré leur incapacité à démontrer, ou à faire confirmer, leurs accusations contre Bagdad, les Etats-Unis n´en maintiennent pas moins le cap et affirment qu´il n´y avait pas d´alternative à la guerre. Une guerre, en fait, programmée par Washington pour un dessein qui est loin du leitmotiv mis en avant et maintes fois évoqué : désarmer l´Irak. Or, et jusqu´à preuve du contraire, les équipes d´inspecteurs de l´ONU, -qui sont sur le terrain depuis près de 90 jours-, n´ont, jusqu´à aujourd´hui, rien trouvé de concret à même de conforter la démarche américaine. Ce qui n'indispose en rien la détermination des Etats-Unis, Washington se préparant même à déposer auprès de Conseil de sécurité, un projet de résolution donnant le feu vert aux frappes militaires de l´Irak. C´est ainsi, que le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer, a indiqué vendredi que «d´une manière ou d'une autre, il n´y a aucun doute que les 15 membres du Conseil de sécurité seront approchés» (en rapport avec la deuxième résolution, exigeant le désarmement de l´Irak par la force que Washington compte déposer sans doute au début de la semaine prochaine). Sur ce point Français et Russes sont unanimes: il n´y a nul besoin, actuellement, de recourir à une seconde résolution. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Iouri Fédotov, a ainsi affirmé, hier: «Nous continuons à considérer qu´une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l´ONU sur l´Irak n´est pas nécessaire» ajoutant: «Nous sommes contre une résolution qui prônerait l´utilisation automatique de la force». L´ambassadeur de France auprès de l´ONU, Jean-Marc de la Sablière a estimé, quant à lui, que «bien que n´ayant pas vu le projet» il ne pensait pas qu´il obtiendrait (actuellement) «les neuf voix indispensables», sans qu´aucun des membres permanents vote contre, pour que la résolution soit adoptée. Le fait patent aujourd´hui, est que l´opinion publique internationale ne donne plus crédit aux affirmations américaines pour ce qui est des armes de destruction massive irakienne, et surtout personne ne croit ni ne prend au sérieux les déclarations répétées des autorités américaines quant à la collusion existant entre le régime de Bagdad et la nébuleuse Al-Qaîda. D´aucuns n´ont pas hésité à qualifier d´absurdes ces assertions connaissant les engagements diamétralement opposés entre les objectifs d´Oussama Ben Laden et ceux de Saddam Hussein. En fait, la communauté internationale n´arrive seulement pas à croire à une complicité de terrorisme entre Bagdad et Al-Qaîda que Washington s´évertue vainement à faire créditer. D´autant plus qu´une guerre contre le terrorisme et ses acolytes passerait mieux que les thèses actuelles des Etats-Unis battues constamment en brèche par le travail sur le terrain des experts de l´ONU qui, eux, n´ont trouvé aucune confirmation de la détention par l´Irak d´armes prohibées. Ce qui n´empêche nullement l´administration américaine de pousser à la guerre même si les arguments restent peu convaincants et n´incitent pas à l´ouverture d´un front de confrontation dommageable pour la paix et la sécurité dans le monde. Toutefois, le dernier virage risque bien d´être le rapport que présenteront les chefs des inspecteurs de l´ONU, d´ici à la fin du mois, probablement le 1er mars prochain.