L'offensive diplomatique lancée par le Maroc, le mois passé, est en train de se retourner lamentablement contre lui. Désormais, il ne se passe plus un seul jour sans que de nouveaux éléments ne viennent affaiblir la position, déjà intenable, de Rabat, concernant l'épineuse question du Sahara Occidental. Le coup de grâce risque même de se faire intra-muros au regard de la courageuse position que vient d'adopter un parti politique du royaume chérifien. Le même jour, le chef de la diplomatie espagnole, qui s'écriait il y a peu, qu'un référendum était porteur de dangers pour la région, est revenu à de bien meilleurs sentiments dans une très remarquée sortie médiatique. Ainsi, «Annahj Adimocrati», (la Voie démocratique), a-t-il appelé hier à l'organisation d'un «référendum d'autodétermination du peuple sahraoui», estimant que «c'est le seul moyen de régler le conflit sur la base de la légalité internationale». C'est ce que rapporte le communiqué final de cette organisation nouvellement reconnue au Maroc. Réuni les 16, 17 et 18 juillet à Casablanca après de vives tractations avec le «Makhzen» de sa majesté, et après 30 ans de lutte contre le système sécuritaire marocain, le congrès constitutionnel du parti a enfin eu l'occasion d'insister publiquement sur la «nécessité d'apporter une solution au problème du Sahara sur le fondement de la légalité internationale, qui soit basée sur un référendum d'autodétermination». Le parti, au passage, a appelé à une solution pacifique du conflit, estimant que c'est le seul moyen «d'éviter le danger de la guerre à la région» et «d'installer les bases de l'édification du Maghreb des peuples, qui représente une obligation historique incontournable». Aux yeux de l'ensemble des observateurs avertis, à commencer par les Américains eux-mêmes, qui n'ont eu de cesse de soutenir le plan Baker et les résolutions onusiennes, abondant dans le même sens, il ne fait aucun doute que les velléités belliqueuses de Rabat bloquent durablement le développement de toute la région et vont jusqu'à faire planer de réels dangers de reprise des affrontements militaires entre les troupes royales d'occupation et l'armée de libération du Front Polisario. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que des sources diplomatiques très au fait de ce dossier ont relevé hier que «la position publique de ce parti politique marocain, qui enrichit les positions de plusieurs militants progressistes et démocrates marocains à l'exemple du célèbre Abraham Serfaty, sont une nouvelle preuve du mensonge du Makhzen sur le soi-disant consensus national autour de la question sahraouie, que clame le Maroc depuis son invasion militaire du territoire sahraoui en 1975». De son côté, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a estimé que les 30 dernières années ont démontré qu'il «n'était pas possible d'imposer une solution dans laquelle il y a des vainqueurs et des vaincus» dans le conflit du Sahara occidental. «C'est pour cette raison que le gouvernement (espagnol) a décidé de passer d'une politique de neutralité passive à une diplomatie active qui favorise un dialogue entre toutes les parties et pays concernés (par ce conflit), sous la houlette des Nations unies», écrit Moratinos dans une contribution publiée par le quotidien ABC (conservateur) et dans laquelle il dresse un bilan de l'action diplomatique de l'Espagne depuis la mise en place du nouveau gouvernement socialiste. «Le dialogue préconisé par Madrid, ajoute Moratinos, doit conduire à une solution juste et définitive (du conflit du Sahara) qui satisfasse aux principes de la légalité internationale et respecte le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.» Ce sont là autant de coups durs pour Mohammed VI qui vient à peine de célébrer la fête du trône, dévoilant au passage l'échec de son offensive diplomatique, appuyée par Paris et Madrid. Le Maroc, qui fait face à une crise socio-économique de plus en plus prononcée, favorisant grandement l'émergence de l'extrémisme religieux avec son inévitable corollaire, le terrorisme, a ainsi souhaité indirectement l'aide d'Alger. Le premier appel du pied est intervenu à la suite de la visite du ministre de l'Intérieur marocain à Alger, durant laquelle notre aide avait été discrètement sollicitée en matière de lutte antiterroriste. La question des visas et des frontières semblent également avoir été évoquée. Rabat, qui avait instauré la mesure, obligeant Alger à fermer ses frontière, en paie une facture extrêmement salée. Le manque à gagner, dans un pays où la misère sociale ne cesse d'aller grandissante, est estimé à plus d'un milliard de dollars depuis que les touristes algériens ont préféré la destination de nos frères tunisiens. Ainsi, et à mesure que s'affaiblissent les positions de Rabat, notre pays se retrouve en position de force pour imposer ses propres «règles du jeu», toutes conformes au respect mutuel et au strict droit international, comme ne cessent de le rappeler les gens en charge de la diplomatie algérienne. Quant à la question sahraouie, force est de con-clure qu'elle n'a jamais été si proche d'un dé-nouement qui ménage les intérêts de tous, à commencer par ceux des populations de la région.