Ces repas chauds ne sont pas destinés uniquement aux nécessiteux Istanbul, une ville qui garde sa spécificité touristique, la journée, et au crépuscule se transforme en un espace de convivialité et de partage. Plus qu'une heure avant la rupture du jeûne, la place El Sedek, au coeur d'Istanbul en Turquie, grouille de monde. Les effluves des épices orientales titillent les narines, des hommes derrière de longues tables s'affairent aux préparatifs en utilisant une vaisselle étincelante. Autant d'éléments qui nous font savoir que la présence de milliers de personnes dans cette place, n'est pas un rassemblement contre le Premier ministre, Tayyip Erdogan. Non, c'est une tradition propre à Istanbul qui consiste à rompre le jeûne en groupe. Durant un voyage organisé par la compagnie aérienne Turkish Airlines pour des journalistes algériens, celle-ci nous a fait découvrir la plus grande ville de la Turquie dans une autre facette durant le mois sacré du Ramadhan. A quelques heures avant la rupture du jeûne, le responsable de l'agence de voyage Rotana, Sami Fevzioglu, nous a accompagnés dans l'un des restaurants les plus étoilés situé à quelques mètres de la rue Aksaray. A notre grande surprise, le restaurant était archiplein. M.Fevzioglu nous a expliqué que la tradition à Istanbul durant tout le mois de jeûne «la rupture du jeûne se fait à l'extérieur des foyers». Tous les jardins et les espaces verts et les grandes places touristique telles que la cours de la Mosquée bleu sont investis par les familles et les amis pour rompre le jeûne tous ensemble. Pendant la journée, cette capitale culturelle du pays garde sa spécificité touristique où des milliers de touristes, venus des quatre coins du monde pour apprécier la beauté de cet endroit. Une fois au crépuscule, une heure avant la rupture du jeûne, ces mêmes endroits se transforment en un espace de convivialité et de partage. Le riche et le pauvre, kif-kif Située dans la commune d'Ayoub de la ville d'Istanbul, le maire a aménagé cette rue pour distribuer des repas chauds pour environ 1 100 personnes durant tout le mois sacré. Selon, le guide touristique Chérif, la ville comporte 28 points où les repas chauds sont donnés durant tout le mois de Ramadhan aux frais de la commune. À l'époque de l'Empre ottoman, nous a expliqué, M.Chérif de l'agence de tourisme Rotana, «les sultans, avant de monter sur le trône, doivent marcher dans cette rue pour montrer leur bonne foi au peuple mais surtout une manière d'avoir leur bénédiction». C'est la raison pour laquelle, cette rue porte le nom El Sedek. Ces repas chauds ne sont pas destinés uniquement aux nécessiteux, même les familles aisées sont concernées. «Chaque année on organise durant tout le mois sacré des repas chauds destinés à tous les habitants de la commune quelle que soit sa situation sociale», a affirmé le maire de la commune d'Ayoub. Une dame non-musulmane venue avec sa soeur et ses deux enfants, a témoigné que c'était pour la première fois qu'elle venait dans cette rue pour partager ce moment religieux en plein air avec ces centaines de jeûneurs. «C'est un sentiment unique, car ce moment partagé avec nos frères musulmans a un caractère spirituel unique. C'est un sentiment agréable», a précisé la dame. Derrière la rue, à proximité de la mosquée de Ayoub El Ansari, les familles se regroupent après le ftour dans un grand espace où un imam donne des cours de religion jusqu'au moment du shor. Les familles peuvent, au cours de cette soirée religieuse, poser toutes les questions qu'elles souhaitent à l'imam. Le shor au tambour Si en Algérie l'appel au s'hor se fait par l'adhan, à Istanbul, c'est en tapant sur le tambour. A l'aube un homme aux habits traditionnels turcs, tape à tout rompre sur un tambour pour avertir les jeûneurs que l'heure du s'hor a sonné. Il circule entre les maisons et joue différents rythmes. Une coutume qui existe depuis longtemps et c'est la même pratique qui existe également en Syrie. Ce repas du matin en Turquie est composé de fromage, d'olives, de concombre, tomate et pain avec du miel et du thé. Une soirée ramadhanesque au-dessus du Bosphore Le responsable de l'agence touristique Rotana, nous a réservé une soirée ramadhanesque unique en son genre puisqu'elle se passait à bord d'un bateau qui traversait le Bosphore qui sépare Istanbul en deux parties. Istanbul d'Europe et Istanbul d'Asie. Un diner en bateau tout en faisant une virée entre les deux continents en quelques heures seulement. Après la rupture du jeûne, la soirée était animée par des magiciens, des danseurs qui faisaient des chorégraphies de danse typiquement turque, une danseuse du ventre et au final une mise en scène d'un mariage turc montrant les traditions du mariage en Turquie. Des touristes étrangers étaient présents durant cette soirée. En l'espace de quelques heures, tout le monde à bord du bateau, a oublié son origine, sa nationalité et sa religion. Tous égaux. Ils ont dansé ensemble sans complexe. Une image qui a séduit toutes les personnes présentes à la soirée. La danseuse du ventre a même poussé l'audace jusqu'à inviter une femme portant le hidjab à danser avec elle. Cette dernière a accepté sans complexe donnant l'image tout simplement de la laïcité de ce pays où le respect d'autrui est ancré au sein de la population qui jouit du vivre-ensemble malgré les différentes ethnies. «Tous les pays du monde doivent adopter cette mentalité pour pouvoir vivre en paix», affirme une Ukrainienne qui a énormément apprécié ses séjours à Istanbul, disant que «c'est un pays qui a réussi à fusionner entre deux cultures qui sont la modernité occidentale et la religion tout en préservant son patrimoine», chose, a-t-elle poursuivi, qui a rendu Istanbul un lieu magique. La majestueuse île des princesses Nous avions pour programme durant la dernière journée à Istanbul de nous rendre dans une île paradisiaque appelée en langue turque «Buyukada» qui signifie «île des princesses». L'origine de son appellation remonte à l'Empire ottoman, où les femmes des sultans ainsi que leurs filles partaient dans cette île loin des yeux curieux pour une baignade au milieu d'une forêt tropicale. Aujourd'hui, cette île est habitée par de grandes personnalités d'Istanbul. Des maisons en bois entourées de fleurs et d'arbres. La circulation dans cet endroit sorti droit d'un chef-d'oeuvre artistique, nous précise M.Chérif, ne se fait que par des calèches et bicyclettes. Les autres moyens de transport sont strictement interdits sauf les véhicules de la police locale et la Protection civile qui sont permis. L'interdiction d'autres moyens de transport a été ordonnée dans le but de protéger la faune et la flore qui caractérisent cette île où la gent féminine qui s'y rend s'identifie en quelques heures à une princesse. Surtout que celle-ci dès l'arrivée à l'île s'offre des couronnes de fleurs pour se mettre dans la peau des femmes royales qui ont marqué l'histoire de cette île. Les Fennecs ont séduit les Turcs Malgré leur élimination au deuxième tour de la Coupe du monde contre l'équipe la plus redoutable, l'Allemagne, les joueurs de l'Equipe nationale n'ont pas fini de faire parler d'eux. Partout dans la ville, les magasins de souvenirs, les vendeurs au grand bazar à Istanbul, les citoyens etc... n'arrêtaient pas de nous demander: «Where are you comming frome», à chaque fois qu'on prononce le mot Algeria, ils se mettent à crier «one, two, three viva l'Algérie». Un vendeur de porcelaine dans le grand bazar d'Istanbul a exprimé sa tristesse de ne pas voir les Fennecs aller plus loin dans cette coupe du monde. «Franchement, ils ont mérité de se qualifier en quarts de finale. Ils ont montré au monde entier qu'ils sont une équipe forte», a-t-il témoigné, tout en ajoutant que les poulains de Vahid Halilhodzic, n'ont pas honoré uniquement les Algériens, mais toute la population turque. «Sans exagérer, on a vécu les mêmes émotions que nos frères algériens, le même stress et la même joie. On souhaite à cette équipe d'aller encore plus loin dans l'avenir», a encore ajouté le vendeur. Le plus étonnant dans cette grande ville, est le mélange de culture, de religion et de la modernité occidentale et le respect d'autrui. Des ingrédients qui rendent cette ville unique en son genre. En la quittant, une seule idée en tête celle d'y retourner pour découvrir encore plus ses curiosités.