En fait, terrorisme et grande criminalité sont devenus indissociables. Moins de vingt-quatre heures après l'attentat perpétré contre deux élus de l'APC de Bordj El Bahri, Nacer Menasria, élu d'El Islah, et Nouali Mohamed, ancien membre de l'exécutif communal et militant du FLN, et qui leur a coûté la vie, la police judiciaire privilégie la piste terroriste. «Une soi-disant mafia du foncier existe, nous confie un élu de l'APC, mais de là à prendre les armes, il y a vraiment tout un monde. le défunt occupait les fonctions de responsable de l'urbanisme et du cadastre de la commune, en même temps qu'il était le troisième vice-président, et il se peut qu'il ait fait des mécontents au sein des gros entrepreneurs et des spéculateurs du foncier local, mais il est peu probable que les tensions liées au logement et aux terrains dégénèrent de la sorte.» Pour un officier de police du secteur, les faits privilégient la piste terroriste : «Tout indique que l'attentat est de nature terroriste. Le guet-apens ressemble à une stratégie de guerre : terrain isolé, passage boisé vers d'autres endroits, proximité de la mer, site en construction et difficile d'accès, mais surtout le feu nourri qui a accompagné l'acte, pour ne laisser aucune chance au troisième vice-président, responsable de l'urbanisme et du cadastre. Si un homme non habitué avait tiré, il l'aurait fait une ou deux fois, mais là, c'est pratiquement une rafale de douze ou quatorze balles.» Un responsable de police de la région nous a indiqué que le lieu de l'attentat peut indiquer le terrorisme, «d'ailleurs, quatre terroristes du Gspc sont du coin et peuvent très bien venir perpétrer leur acte. Un ou deux d'entre eux nous ont été signalés dans les parages, ces derniers jours, sans qu'on puisse leur mettre la main dessus». Bordj El Bahri, comme Bordj El Kiffan, est un vaste chantier et un vaste univers de la spéculation foncière. Située à quinze minutes à l'est d'Alger, la commune présente les caractéristiques d'une ville côtière, très prisée par les milieux d'affaires, et le coût de l'hectare est très très cher. C'est ainsi que les relations terrorisme-groupes mafieux se forment et s'enchevêtrent, les premiers exécutant des contrats, les seconds payant cash. Les «cibles» sont effacées et ceux qui viennent les remplacer sauront à quoi s'en tenir. Le scénario s'est produit il y a quelques jours à Larbaâ, lorsque trois jeunes ont été exécutés de sang-froid, leur caisse volée et la boutique (produits de téléphonie mobile) mise à sac. Deux semaines après, tout indique que la piste d'une bande mafieuse est sur le point d'aboutir. Dix ans de terrorisme non-stop en Algérie ont généré tout un monde opaque, insaisissable et à la limite du réel. Pour peu que des intérêts soient touchés, les armes à feu entrent en jeu. Et même si ce sont des terroristes qui s'en servent, souvent cela ne représente que le premier palier du crime. Derrière, se tapit une faune de prédateurs prêts à tout.