Dans la région, la victoire du Hamas met au grand jour le double langage des oligarchies en place. La victoire-raz-de-marée du Hamas confirme la tendance générale constatée ces dernières années au Proche-Orient, avec l'arrivée, par le biais des élections, des islamistes en Irak, en Iran, en Turquie, en Egypte, et depuis avant-hier, en Palestine, alors même que tous les observateurs et les officines n'accréditaient le Hamas que d'environ 30% des voix. On est donc sur un terrain extrêmement mouvant. Sachant que l'islamisme est financé par l'Arabie Saoudite, premier allié des Etats-Unis dans la région, et qu'aussi bien le Mossad que les puissances occidentales ont aidé à la propagation de l'idéologie religieuse pour contrer des mouvements démocratiques alliés à l'Urss dans les années 70 et 80, ou pour affaiblir Yasser Arafat et le Fatah dans le cas de la Palestine, on se retrouve dans un imbroglio incroyable. Dans le cas du problème nucléaire opposant le président iranien Ahmedinejad à la troïka européenne, on a bien vu que les parties de la région qui sont le plus contrariées sont non pas Israël mais les monarchies du Golfe. Les contradictions entre le chiisme iranien et le sunnisme arabe viennent d'être bouleversées par la victoire électorale des chiites en Irak, et l'on obtient un cas de figure tout à fait inédit: chiisme iranien antiaméricain et chiisme irakien pro-américain, alors que les deux chiismes ont des relations de solidarité bien établies. La victoire du Hamas en Palestine va poser à court ou moyen terme, tous les problèmes de cohabitation, en douce ou forcée : cohabitation entre le Fatah (qui contrôle la présidence et les ser-vices de sécurité) et le Hamas, qui contrôle les municipalités et dirige le gouvernement. Cohabitation de la Palestine avec Israël. Plus globalement, dans toute la région du Proche et Moyen-Orient, il s'agira de tester, une bonne fois pour toutes, la cohabitation entre les différentes idéologies islamistes (sunnites ou chiites) et entre celles-ci et les idéologies laïques. La nouvelle situation née de la victoire du Fatah met également fin à la duplicité de langage de l'Autorité palestinienne, prompte à condamner les attentats suicide du Hamas et du Djihad islamique, tout en les encourageant en sous-main. Une position inconfortable qui n'a pas été comprise par les citoyens palestiniens, qui voient qu'Israël, lui, ne se gêne pas pour mener ses exactions ou commettre des exécutions ciblées des dirigeants du Hamas, sans jamais exprimer le moindre regret public. L'attentat ayant visé le cheikh Ahmed Yacine en est l'exemple le plus éloquent. Dans la région, cette victoire met au grand jour le double langage des monarchies du Golfe, notamment de l'Arabie Saoudite, principal allié des Etats-Unis et pourtant pourvoyeuse des fonds qui financent le Hamas. Cette position a été renforcée depuis 1991 par le soutien qu'a apporté Yasser Arafat à Saddam Hussein, après l'occupation du Koweït. On a également vu qu'en s'éternisant, le conflit israélo-arabe amène des groupes extrémistes comme Al Qaîda de Oussama Ben Laden, lui-même d'origine saoudienne, à radicaliser chaque jour leur position. La majorité des auteurs des attentats du 11 septembre ne sont-ils pas d'origine saoudienne? Par voie de conséquence, cette double ou triple cohabitation se fait à l'aune du plus petit dénominateur commun: celui de l'extrémisme: à l'ultra-radicalisme israélien répond l'ultra-radicalisme arabe, et vice-versa, et en même temps pousse tout le monde à un devoir de transparence. Les politiques opaques menées par les régimes oligarchiques de la région cèdent sous la poussée démocratique des partis populaires propulsés par les urnes, comme en Egypte, en Irak, en Iran, et, depuis peu, en Palestine.