Il sévissait sans laisser de traces. Ce qui embarrasse ceux qui le recherchent. Les services de sécurité américain et européen, à leur tête la France, se disputent la tête d'un Algérien dont le nom apparaît à chaque interrogatoire avec les membres du réseau d'Al-Qaîda dans le monde. Médecin de profession, Amar Ikhlef pour certains, et Keffous Rachid pour d'autres, dit Abou Doha ou le docteur, serait, selon les rapports de la CIA, de la DST, du MI 5 britannique ainsi que des services italien et belge, l'un des principaux coordinateurs d'Al-Qaîda en Europe. D'autres vont jusqu'à dire que son emprise sur les réseaux terroristes en Europe est aussi importante que celle de Ben Laden. Ce qui est impressionnant pour ce personnage énigmatique, c'est que son nom est cité par nombre de terroristes arrêtés, Ressam aux Etats-Unis, dans les enquêtes sur les menaces contre les intérêts américains en Italie, dans les enquêtes sur le groupe de Roubaix, les attentats du RER parisien en 1995, et tant d'autres encore, alors qu'aucun service de renseignements n'a réussi à établir les preuves concrètes de son implication. Ce «casse-tête» risque encore d'empêcher son extradition vers les Etats-Unis. L'absence de preuves tangibles contre Hayder Abou Doha constitue, d'ailleurs, le principal atout de son avocate Jareth Pears, qui exige, d'une manière incessante, aux juges, en charge de son affaire, une copie des preuves pénales qui pèsent sur son client. Comme pour uniquement les gêner. Les Américains, eux, sont convaincus que le «docteur» est l'instigateur n°1 de la tentative du «mégaattentat» qu'allait exécuter Ahmed Ressam contre l'aéroport de Los Angeles. Ce dernier a été arrêté de justesse bien avant les attentats du 11septembre, en possession de plus de 100 kg de TNT. De quoi pulvériser l'aéroport. Cet attentat déjoué est d'ailleurs qualifié par les responsables du FBI d'«attentat du millénaire». Les Américains avaient, par ailleurs, la certitude que le groupe du GIA placé sous le commandement d'Abou Doha allait commettre un attentat contre leur ambassade à Rome. La CIA avait, le 2 janvier dernier, alerté l'ambassadeur en poste dans la capitale transalpine sur une possible «action terroriste contre l'ambassade à Rome. Alerte maximale». Trois jours plus tard, une autre alerte a ébranlé la CIA et les service italiens. Le spectre d'Abou Doha planait sur Rome même incarcéré, toujours en l'absence de preuves. L'homme est devenu forcément redoutable. Actuellement en détention dans la prison londonienne de Belamarsh, en compagnie d'un autre Algérien, Mustapha Al-Abssi, soupçonné, lui aussi, par les services français d'être derrière les attentats de 1996 commis en France et en Turquie, les magistrats britanniques ne veulent toujours pas ordonner leur extradition et encore moins leur libération. Le juge a simplement décidé, hier, de prolonger leur séjour carcéral jusqu'au 19 avril prochain, sans pour autant, prendre en considération les requêtes américaine, française et italienne de l'extrader vers l'un de ces trois pays. Qui pourra l'avoir en premier? Personne ne le sait, d'autant plus que les preuves font vraiment défaut. Après avoir achevé ses études de médecine en Algérie, Abou Doha avait, depuis 1994, bénéficié du droit d'asile en Grande-Bretagne, où il s'est chargé de la collecte d'argent pour les moudjahidine tchétchènes, puis en tissant des liens avec les groupes du GIA et d'Al-Qaîda, il est devenu le principal recruteur, pour les camps d'entraînement en Afghanistan. Cette mission lui a valu d'être l'un des membres les plus respectés dans les milieux intégristes en Europe. Depuis l'arrestation d'Ahmed Ressam, qui collabore à présent avec le FBI, en contrepartie d'une diminution de sa peine, le Fédéral bureau of investigation s'intéresse de plus en plus aux Algériens. Il a fait des demandes d'extradition à plusieurs pays. Le Canada auquel il demande l'extradition de Mourad Ikhlef, l'un des présumés proches du réseau montréalais du GIA. La Bosnie avec laquelle il a pu décrocher l'extradition de cinq Algéro-Bosniaques, actuellement prisonniers à Guantanamo ; la Grande-Bretagne à laquelle Washington demande l'extradition de Rachid Ramda et, bien entendu, d'Abou Doha qui risque d'entraîner avec lui plusieurs Algériens si les Américains lui mettent la main dessus ; et, enfin, la France, contrairement à d'autres pays européens, se dispute clairement «l'obtention» de plusieurs Algériens soupçonnés d'être derrière les attentats contre le RER parisien, et le réseau de Roubaix et du trafic d'armes à partir de la Bosnie. Paris exclut toute idée d'extrader les membres du GIA arrêtés pendant ces enquêtes antiterroristes. D'ailleurs, plusieurs procès sont actuellement suspendus justement parce que des personnes indispensables aux enquêtes sont détenues soit en Angleterre, soit en Amérique du Nord. Par ailleurs, on apprend qu'un Algérien de 73 ans, Idris Saïd, a été interpellé hier par la police française qui le soupçonne d'avoir hébergé et recruté des membres pour Al-Qaîda. Les services français enquêtent actuellement avec ce vieillard et il est fort probable qu'il réponde des chefs d'inculpation de liens avec des réseaux terroristes.