Un film africain, qui se déroule au Tchad, tourné il y a dix ans de cela, mais qui aurait pu l'être aussi en Algérie, à quelques différences près... A la suite du décès de sa mère, un réalisateur, Mahamat Salah Haroun, l'auteur même du film, retourne dans son pays et profite pour faire des repérages pour son prochain film. Très vite, il se trouve confronté à une réalité incontournable: salles de cinéma détruites, absence de toute structure de production ou de diffusion et par ricochet de public...Reste quelques amateurs de cinéma et anciens travailleurs dans ce secteur qui espèrent ou «rêvent» de voir un jour toutes ces salles de cinéma rouvrir et la culture primer sur la misère. Un vent d'espoir souffle aussi dans cet autre film en préparation qui incite le réalisateur à ne pas baisser les bras et à continuer à croire en sa passion. Un message fort que le réalisateur adresse par ricochet à tous ses confrères, amoureux de l'image à travers ce film qui entend parler de vie, d'amour, d'exil et de cinéma, bien entendu...En effet, au moyen de sa caméra DV, Mahamat Salah Haroun part à la quête de témoignages. Certains «rescapés» de la guerre civile lui dévoilent tout leur amour pour le cinéma ou, d'autres, leur indifférence, c'est selon. Un homme furieux lui interdit de filmer, l'apostrophe en lui rappelant -un grand plan sur son visage- que c'est mauvais de «voler des images d'autrui». Un autre lui demande pourquoi faire des films pour des étrangers et pas sur sa famille...«Le cinéma est plus fort que la réalité» entendons-nous. Aussi, il sert à sauvegarder les souvenirs, «la mémoire», selon Haroun qui cite une phrase dans ce sens de Godard. Il y a aussi son petit neveu, déjà contaminé par le «virus» du cinéma et qui n'a de cesse de vouloir lui piquer sa caméra. Il en fabrique même une avec des bouts de ficelle, d'aluminium...Il y a cette fille aussi, Isabelle, qui jadis a joué le rôle d'une malade du sida et tombe dans ce piège. Ce rôle-là lui collera à la peau à tel point que tout le monde la croit véritablement atteinte de cette maladie. Aussi, terriblement amoureuse de ce cinéaste, elle se donne la mort, après qu'il l'ai rejetée en lui faisant comprendre qu'elle n'était qu'une simple aventure, le temps d'un tournage. Elle s'en ira sur le coup du suicide, non sans lui avoir rappelé qu'elle n'était pas un personnage de fiction mais qu'elle existait réellement. Déroutant, aussi bien que troublant, ce film nous renvoie dos à dos avec cette terrible situation du cinéma en Afrique. Une parfaite mise à nu du cinéma tout court avec ses différentes problématiques, notamment celle de l'opposition entre réalité et fiction, l'autre et soi-même, mais aussi son rôle dans la société. Beaucoup pourront se voir dans ce film intimiste qui brosse un tableau assez cynique, cruel, cependant réaliste sur le milieu et, a fortiori, sur l'état du cinéma africain qui «fout le camp...». Pour ce faire, le réalisateur emploie dans ce film différents formats ou supports de tournage (35 mm, vidéo, super 8...) qui lui confèrent une esthétique et une aura assez contemporaine, bien ancrées dans le réel. Diffusé mardi soir à la filmothèque Mohamed-Zinet, Bye bye Africa fait partie d'une sélection de films opérée par le Centre culturel français d'Alger, un choix judicieusement goupillé par Gaëlle le Floch. L'autre film figurant au programme est Daratt (France, Belgique, Tchad, 2006, 95 minutes), Prix spécial du jury à la Mostra de Venise en 2006. Ces projections étaient suivies de débats soigneusement orchestrés par Michel Amarger, critique de cinéma et journaliste à Radio France international qui saura rendre compte de la pertinence de ce film et parler du réalisateur, absent à cette rencontre, car en plein tournage d'un nouveau long métrage, malgré la situation critique qui prévaut actuellement au Tchad. Un signe fort d'optimisme et un rayon d'espoir qui se profilent, hélas, en plein milieu de ce chaos et bêtise qu'on appelle la guerre...