Les forces politiques en Irak sont engagées dans de difficiles tractations, plus d'un mois après les législatives, remportées par le laïc Iyad Allawi devant le chef du gouvernement sortant, Nouri al Maliki. L'Iran et l'Arabie saoudite sont engagés dans une âpre lutte d'influence en Irak où s'amenuise la suprématie américaine avec le départ progressif des troupes d'ici la fin 2011, estiment les analystes. «Le retrait effectif, mais aussi psychologique des Etats-Unis ouvre la voie à d'autres acteurs, et la question de la place de l'Irak dans l'équation régionale dépend notamment de la nature de son gouvernement», constate Peter Harling, analyste sur le Proche-Orient d'International Crisis Group. Les forces politiques en Irak sont engagées dans de difficiles tractations pour former un gouvernement plus d'un mois après les législatives qui ont donné un léger avantage à l'ex-Premier ministre chiite laïc, Iyad Allawi, appuyé par les sunnites, devant le chef du gouvernement sortant chiite, Nouri al-Maliki. Ammar al-Hakim, chef du parti chiite conservateur pro-iranien, le Conseil supérieur islamique d'Irak, a rencontré mardi le roi Abdallah en Arabie saoudite, bastion du sunnisme. Le même jour, le vice-Premier ministre sunnite Rifa al-Issawi, proche de M.Allawi, a visité l'Iran chiite. Ils ont été précédés dans les deux capitales par les dirigeants kurdes irakiens, Jalal Talabani et Massoud Barzani. «Jusqu'à présent, les négociations pour la formation du gouvernement étaient menées dans la Zone verte, symbole de l'occupation américaine. Elles se jouent désormais en partie dans les capitales avoisinantes», souligne M.Harling, joint par téléphone à Damas. Hamid Fadel, professeur de sciences politiques à l'université de Baghdad, fait la même constatation. «Nous ne voyons plus nos politiciens se ruer vers l'ambassade américaine ou se rendre à Washington. Ils sont engagés dans une course fébrile pour arriver les premiers en Arabie saoudite ou en Iran et ils ont gommé toute allusion hostile à ces pays». En effet, aux législatives de 2005, la formation du gouvernement avait été le fruit d'un marchandage entre les exigences américaines et les ambitions de politiciens irakiens. Depuis, l'ancien maître du jeu américain en Irak a signé un accord avec Baghdad sur le retrait des troupes et cherche avant tout à ce que leur départ se fasse le mieux possible. «Nous estimons que le gouvernement sera constitué en Irak et non dans les pays voisins. Les Etats-Unis suivent de très près les choses et nous avons clairement indiqué que nous nous accommoderons de ce que les Irakiens choisiront de manière démocratique», a dit récemment l'ambassadeur américain Christo-pher Hill. Menace pour ses voisins à l'époque de l'ancien dictateur Saddam Hussein, l'Irak est à l'inverse aujourd'hui soumis aux ingérences des pays limitrophes. «L'Iran et l'Arabie saoudite considèrent l'Irak comme un terrain important dans leur compétition régionale. Ils cherchent des arrangements politiques qui leur soient profitables», assure Alireza Nader, expert de la fondation Rand Corporation, basé à Washington. Les invitations faites aux Irakiens par les deux pays démontrent qu'il y a «un effort pour trouver un arrangement entre les différents blocs politiques et aboutir à un compromis entre Téhéran et Riyadh, les deux principales puissances régionales du Golfe», selon lui. La minorité sunnite, qui a gouverné l'Irak pendant 80 ans, a cédé le pouvoir aux chiites dans le sillage de l'invasion américaine en 2003. Il s'en est suivi une guerre confessionnelle sanglante. Depuis 2007, la violence a décru même si les attentats continuent à tuer. «Il y a une compétition: l'Arabie saoudite interfère en Irak après avoir constaté que son rival iranien avait commencé à le faire», assure M.Fadel. «En tout cas, il n'y aura pas de Premier ministre sans l'acquiescement de Téhéran et de Riyadh et c'est très compliqué car les deux pays ont des visions divergentes».