Le ministre estime que le Conseil national interprofessionnel de la filière avicole (Cnifa) constitue un cadre idéal pour que les professionnels débattent de toutes ces contraintes et apportent les solutions idoines. Seule une meilleure organisation pourra sauver l'aviculture en Algérie. D'où la décision prise par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural de ressusciter le défunt Conseil national interprofessionnel de la filière avicole (Cnifa), abandonné de longues années durant. Rongée par une anarchie et ciblée par de nombreuses contraintes de différentes natures, cette filière cherche les voies et moyens à même de la faire sortir de cette crise qui la hante depuis plusieurs décennies. Les aviculteurs ne cessent de solliciter la salvatrice intervention des pouvoirs publics pour une meilleure prise en charge de leur créneau. Ils ne demandent aucunement une subvention directe de la part de l'Etat mais plutôt des facilitations leur permettant d'exercer dans de bonnes conditions leur cher métier. Ce souci est exprimé à chaque occasion qui se présente devant ces acteurs. C'est dire l'intérêt qu'ils portent à cette filière. Sinon, comment expliquer une fidélité à cette activité longue d'une trentaine d'années pour certains professionnels. Jeudi, c'était une autre opportunité qui leur a été offerte, de surcroît en présence du ministre, Dr Rachid Benaïssa. Les organisateurs du Salon des productions et santé animales (Sipsa) ont ainsi programmé en marge de cet événement un forum dédié à cette filière. Le choix du thème tombe incontestablement à point nommé. Les aviculteurs présents à cette rencontre ont manifesté leur désarroi et leur déception quant à la situation peu reluisante qui prévaut dans leur filière. Ils ont soulevé toute une série presque infinie de problèmes qu'ils rencontrent quotidiennement. À commencer par le manque flagrant de régulation sur le marché. En effet, parfois, précisera le président de l'Association des aviculteurs, M. Mezouane, l'on assiste à une période de surconsommation qui engendre une hausse des prix pour le consommateur. Il est, en revanche, observé une période de sous-consommation suivie inexorablement d'une baisse des tarifs insupportable par les producteurs. Les grandes fluctuations des prix, relèvera-t-il, ne profitent ni au consommateur ni à l'éleveur. La consommation moyenne de poulet, faut-il l'indiquer, se situe entre 7,5 et 10 kg/habitant/an alors que celle des œufs est de l'ordre de 100 unités/habitant/an. Par ailleurs, les pertes de production, c'est-à-dire le manque à produire, sont estimées par M. Mezouane à plus de 40%. “Au lieu d'avoir 170 œufs à couver, nous n'en avons que 120 unités. Les couvoirs devraient comporter 140 poussins, mais chez nous, ils n'en disposent que de 84. Les centres d'engraissement devraient donner lieu à des poulets, de 8 semaines d'élevage, de 3 kg. Or, leur poids actuel ne dépasse pas les 2,4 kg”, déplorera cet aviculteur. Pour lui, il ne peut y avoir de régulation si des capacités de stockage de produits finis ne sont pas augmentées. L'informel est l'autre point soulevé par un des intervenants venus d'Aïn El-Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Un grand nombre d'opérateurs, dénoncera-t-il, travaillent sans agrément, sans autorisation… Il citera comme exemple la vente des œufs qui s'effectue aux environs de 3 heures du matin sans le moindre contrôle vétérinaire. Cet acteur évoquera la lancinante question de la TVA d'un taux de 17%, appliqué sur les matières premières, à savoir le maïs, le soja… Les prix de ces matières ont nettement baissé, selon lui, sur les marchés internationaux mais jamais en Algérie. Cet état de fait n'a pas échappé à un autre aviculteur qui lancera : “Plus de 80% des matières premières proviennent de l'étranger. Il n'y a que la bouche qui est à 100% algérienne !” Cette phrase a provoqué, bien entendu, une hilarité au sein de l'assistance. À ce propos, il est proposé comme solution des produits de substitution à ces matières premières. Des études ont été effectivement réalisées à l'Institut national agronomique (INA) et les tests accomplis ont été suivis de résultats satisfaisants. Absence d'abattoirs ou mauvaise gestion de ceux qui existent, “chipa”, corruption, gros intérêts, des statistiques peu fiables…, autant de difficultés qui caractérisent la filière qui a besoin, comme l'a souligné un expert, d'“un diagnostic et des soins en urgence”. Face à toutes ces remarques, on ne peut plus légitimes, le ministre n'a pas jugé utile d'apporter des “réponses isolées”. “Nous allons vous créer un espace organisé à travers lequel vous pourrez vous exprimer et débattre de tous ces problèmes. Et le Cnifa constitue le cadre idéal pour que vous discutiez entre vous d'abord en tant qu'acteurs et vous allez aboutir à des propositions de solutions que nous étudierons ensemble”, suggérera-t-il aux présents. Mettant l'accent sur la nécessité d'une synergie entre les acteurs des différents segments composant la filière, le Dr Benaïssa conclura : “La filière ne peut avancer que si elle est intégrée.” Badreddine KHRIS