Les premiers supporters rentrés hier du Caire racontent l'enfer qu'ils ont vécu, en Egypte, où le mot d'ordre était de casser de l'Algérien avec la complicité passive des autorités. L'aéroport international d'Alger ressemblait hier à un hôpital pour blessés de guerre. Le premier vol de retour du Caire, au lendemain du match, est arrivé à midi avec à son bord des supporters algériens dans un état inimaginable. Tous portaient l'emblème national et scandaient “one, two, three” à leur sortie de l'aérogare. Ils criaient tous à l'unisson en répétant “les Egyptiens nous ont lynchés”. Plusieurs parmi eux commençaient à pleurer dès qu'ils ont vu des proches venus les attendre. “On a échappé à un véritable massacre”, répétaient-ils. Les habits maculés de sang, Reda, le chanteur du groupe de rap, city 16, n'arrêtait pas de hurler : “On a échappé à un véritable massacre et personne n'a osé nous sauver”. Dans un état second, en gesticulant, il racontait en détails ce qu'il a vécu : “notre bus a été caillassé dès qu'on est sorti du stade, à la fin du match. C'était un vrai guet-apens et c'était clair qu'ils avaient préparé leur coup”. Il insistera sur le fait que ce sont des officiers de police qui l'ont tabassé en montrant derrière sa tête ; “ils m'ont frappé à la tête et le sang du drapeau c'est à cause de cela”. Il montrera des images d'un jeune allongé par terre et couvert de l'emblème national : “Il a été assassiné et on l'a laissé sur place”. D'ailleurs beaucoup affirmaient qu'il y avait des morts parmi les supporters algériens : “On m'a parlé d'au-moins quatre morts”. Les autres rescapés, chacun de leur côté, et au milieu de plusieurs curieux, racontaient les horreurs de ce qu'ils ont appelé unanimement le “carnage du Caire”. Kader, 48 ans, enseignant d'éducation physique à Boukadir (wilaya de Relizane), montrait à qui voulait les voir les “unes” d'un quotidien sportif égyptien, El Hadef, (édition du jour du match et du lendemain) : “Regardez ce qu'ils ont fait de notre drapeau et ce qu'ils pensent de notre pays ! Ils ont osé représenter une Algérienne enceinte et habillée avec l'emblème national et cette autre photo de Saâdane habillé en mariée avec Shehata comme mari,” déclarait-il en ajoutant : “c'est plus qu'inadmissible, toute l'Algérie a été humiliée par ces Egyptiens”. Mehdi, 20 ans, de Aïn Defla abondera dans le même sens : “Dès la fin du match, ils ont commencé à nous insulter et à nous tabasser. Le bus qui devait nous ramener à l'hôtel a fait un détour exprès par des quartiers remplis de jeunes et de policiers ; tous lançaient sur nous de gros cailloux sans pitié et on a dû revenir au stade pour y rester jusqu'à 3h du matin.” Un autre donnait plus de précisions : “Notre bus a reçu des centaines de cailloux et après plusieurs minutes, le bus à l'arrêt, certains s'approchaient et criaient à leurs copains, ‘c'est bon, ils sont morts' parce que tout simplement on était allongé et on ne bougeait pas.” Il racontera, dans un état coléreux, la réaction des services de sécurité égyptiens : “Je suppliais un officier de police pour qu'il nous sauve et il me répondait avec dédain ‘tu es Algérien, alors je ne peux rien faire pour toi' tout en laissant ses compatriotes nous tabasser.” Au même instant, un autre courait en pleurant et en criant : “J'ai laissé mon frère sur place et je ne sais pas s'ils l'ont assassiné ou non.” D'autres par dizaines sont restés des heures durant à l'aéroport pour raconter l'enfer qu'ils avaient vécu. Ils insistaient surtout sur ceux qui sont restés : “On craint le pire pour eux. Les prochains vols qui ramèneront les Algériens seront des ambulances.”