La sphère informelle échappe, de plus en plus, au contrôle des pouvoirs publics. Représentant un chiffre d'affaires de plusieurs milliards de dollars, le commerce informel a pris une telle ampleur que des pans entiers de grands boulevards ou d'avenues commerçantes d'Algérie ont été pratiquement envahis par les commerçants à la sauvette. Confronté à l'expansion de cette économie parallèle qui le prive de revenus fiscaux, le gouvernement est à la peine pour juguler ce phénomène. Selon le ministère du Commerce, il existe quelque 765 sites de commerces informels, qui ont été recensés en Algérie par une commission interministérielle. Le ministre Mustapha Benbada avait même annoncé mi-décembre que ces sites seront éradiqués à travers un large programme de régularisation. Plus de 70 000 commerçants opèrent sur ces sites, selon le recensement de cette commission interministérielle chargée d'élaborer une feuille de route pour mettre un terme à ce phénomène. Plus concrètement, le ministère algérien du Commerce se fixait comme objectif d'intégrer ces commerçants informels dans les circuits officiels, notamment à travers leur enregistrement au niveau du Centre national du registre du commerce. Cependant cette feuille de route a été remise en cause par les émeutes contre la vie chère qui ont secoué pendant quatre jours plusieurs villes d'Algérie, début janvier. Ces émeutes qui trouvent leur origine dans la flambée des prix des produits de première nécessité (huile, sucre) ont vite fait de mettre en évidence les limites de la feuille de route du ministère du Commerce. En effet, après avoir mis la hausse des prix sur le compte de la spéculation en pointant du doigt les grossistes qui, selon lui, ont provoqué la subite hausse des prix, le ministre du Commerce et en guise de riposte, a sommé les producteurs et importateurs d'huile et de sucre d'annuler toutes les conditions imposées aux grossistes. Ces mesures règlementaires portent sur la fourniture, par les détaillants aux grossistes et aux transformateurs, de documents sur leurs activités, notamment le registre du commerce, l'achat par facture et leur bilan comptable (comptes sociaux), ainsi que l'utilisation du chèque pour les paiements des marchandises. En somme, il les a instruit de mettre de côté les nouveaux textes de loi et retourner à l'illégalité et à l'informel. Compte tenu de la volonté affichée, depuis déjà plusieurs années, par les pouvoirs publics à combattre l'informel, d'aucuns s'attendaient à voir le ministère du Commerce prendre des sanctions à l'égard de ces commerçants indélicats qui ont du mal à digérer la série de mesures édictées par le ministère du Commerce dans le but d'assainir l'activité commerciale. Au lieu de cela, les pouvoirs publics ont plutôt préféré, faute de n'avoir pas pu anticiper les éléments de la crise, battre en retraite dans l'unique but de s'assurer la paix sociale. Depuis quelques jours en effet, les étals ont refait leur apparition en force et les trottoirs et espaces publics sont de nouveau réinvestis au grand désarroi des riverains qui pensaient en avoir terminé avec ce phénomène longtemps combattu par les pouvoirs publics. Dans la localité de Bachdjarah, le marché informel, interdit depuis le mois d'octobre dernier, a repris ses activités de plus belle. À la rue Ferhat-Boussad (ex-Meissonier), où avait été donné un sérieux coup de balai, les étals informels reviennent en force. En effet, des étals de fruits sont installés juste à l'entrée du marché couvert de la rue.Le long de cette même rue, les vendeurs à la sauvette proposent une multitude de produits, entre écharpes, étoffes de tissu et autres produits cosmétiques. Même la très huppée rue Ben-M'hidi n'a pas échappé au diktat de l'informel. Au vendeur de vieilles photos installé depuis des lustres juste à l'entrée de la rue, côté Grande poste, quelques vendeurs ont installé leur étals à même le sol. Jusqu'à ces derniers jours, la place des Martyrs et l'ex-rue de la Lyre semblaient épargnées par ce redéploiement de l'informel. Mais ce n'est pas le cas des rues adjacentes à ces deux lieux. C'est au tour de la rue Amar Ali qui, elle, vous replonge dans les années fastes de l'informel. Par ce relâchement des pouvoirs publics, il est à craindre la recrudescence du phénomène, dans les prochaines semaines, encouragé justement par la marche arrière des pouvoirs publics.