Ce 43e mardi de la contestation estudiantine à Oran avait un intérêt tout particulier, puisqu'il intervient après le vendredi 13 et la répression policière qui s'est abattue sur les manifestants pacifiques. Oran était ainsi scrutée pour savoir si l'ordre donné à la police, vendredi dernier, allait être reconduit, et ce mardi était également un indicateur de ce qui attend Oran dans trois jours. Sur la place du 1er-Novembre, l'ambiance était à une veillée d'armes, et tous les visages exprimaient une grande volonté de manifester. Il était un peu plus de 10h quand les manifestants ont commencé à converger vers les lieux de retrouvailles des hirakistes qui ont commencé à raconter ce qu'ils ont vécu personnellement ou par témoignages interposés, et tout le monde à s'accorder sur la brutalité gratuite des éléments de la police, mettant surtout l'accent sur leur volonté d'humilier et d'avilir les manifestants. Le moment était aussi à la stratégie à adopter vendredi prochain pour répondre aux agressions policières en suggérant une marche silencieuse avec un seul slogan, celui de dénoncer la répression en s'habillant en noir ou encore en formant un carré réservé aux victimes de ces brutalités. En l'absence de tout dispositif policier, à l'exception d'un hélicoptère qui survolait la marche, Oran a renoué hier avec ses marches hebdomadaires, un rendez-vous sous la grisaille, en présence d'une foule importante où se sont retrouvés des citoyens de tous horizons, des hommes et des femmes âgés aux côtés des étudiants. Les slogans scandés sont ceux qui étaient prévus vendredi dernier, nouveaux ou anciens, reprenant l'actualité nationale avec les traditionnels "Algérie libre et démocratique", "Allah Akbar, vote truqué", "Bravo aux Kabyles, l'Algérie est fière de vous", "Le peuple veut la chute du système", "Pas de dialogue avec la bande", réponse apportée à la proposition de Tebboune d'ouvrir le dialogue avec le hirak. Le nouveau président en a pris pour son grade et des jeunes manifestants ont commencé à se saupoudrer le nez et le visage avec une poudre blanche en scandant "Pouvoir cocaïne". Certains manifestants se sont bandé un œil en signe de solidarité avec les citoyens éborgnés par les tirs de lacrymogène de la police à la fin de la semaine dernière dans plusieurs wilayas. À la place des Victoires, la foule s'est arrêtée pour rendre hommage aux habitants de Saint-Pierre qui les ont aidés, vendredi, en empêchant la police de poursuivre et d'arrêter les hirakistes qui se sont réfugiés dans les ruelles du quartier, alors que beaucoup de citoyens avaient versé dans la délation. Hier, Oran a brisé le mur de la peur, n'oubliant pas d'appeler à la libération de tous les détenus d'opinion.