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L'UE prend très au sérieux la menace de voir Marine le Pen gagner l'élection
Publié dans La Nouvelle République le 12 - 04 - 2017

Les Français prennent-ils la mesure du risque d'une extrême droite au pouvoir ? Près d'un quart d'entre eux [24 % selon le dernier sondage KANTAR Sofres-Onepoint ] s'en accommoderait. Et ce sont soixante années de bipolarisation de vie politique qui s'en vont.
Depuis le début de cette campagne électorale, tous les feux sont au vert pour la présidente du FN : les salles des meetings sont pleines à craquer, une communication maîtrisée et efficace, et les sondages à chaque fois la placent au sommet. Les études d'opinions se succèdent, l'une après l'autre montrant Marine Le Pen en position d'accéder au second tour. Mais, son dernier dérapage sur « la rafle du Vél'd'Hiv », cette opération qui a vu l'arrestation par surprise de plus de treize mille Juifs parisiens par la police du régime de Vichy, en juillet 1942, a choqué et pourrait inviter à un sursaut salvateur. Les français n'aiment pas trop revisiter les périodes sombres de leur Histoire. Elle semble aussi se heurter au plafond de verre qui devrait l'empêcher de réaliser l'exploit de gravir les marches de l'Elysée. La question est de savoir si le retour du lepénisme au galop et cette chappe républicaine vont influer et empêcher la déferlante frontiste. Au moins quatre éléments permettent d'en douter et plaident pour l'effritement du front républicains. D'une part, ses partisans savent que l'oeuvre de dédiabolisation entreprise par Marine Le Pen vise uniquement à soigner les apparences. Sur le fond en revanche, ils sont conscients que l'incubation de ses thèses racistes, de ses postures islamophobes et antisémites, s'accomplit parfaitement. La parole raciste s'ést libérée et la défiance vis à vis du système politique en place a atteint sa cote d'alerte, d'où une adhésion enthousiaste et assumée à l'extrême droite. D'autres part, la volonté des différents courants républicains de se liguer contre la candidate du Front national, comme se fut le cas lors de cette fameuse élection présidentielle de 2002, qui avait vu des millions de français battre le pavé pour exprimer leur colère et appeler à barrer la route à Jean Marie Le Pen, n'est pas franchement perceptible pas plus qu'il n'est acquise. Serait-ce le fruit amer de la rancoeur et des ressentiments nés tout au long de la campagne. Ensuite, en comparaison avec 2002 toujours, sous la présidence de Chirac et le gouvernement Jospin, la croissance tournait alors autour de 3 % et le chômage a été réduit de près d'un million de chômeurs en cinq ans de mandat. En 2017, la croissance peine à aller au-delà de 1 %. Le marasme économique en cause, la courbe du chômage tarde à s'inverser et le nombre des demandeurs d'emploi pointe allègrement aux alentours des 10%. Et cela, les français ne semblent pas le pardonner aux gouvernements ultérieurs aux années fastes. Pour toutes ces raisons, ils risquent de donner sa chance à celle qui n'a jamais gouverner, Marine Le Pen. Autre paramètre, et non des moindres, qui laisse supposer que plus rien ne pourrait arrêter le torrent extrémiste : Les situations nationale et internationale ont changé radicalement. La France est confrontée au fléau migratoire, vit au rythme de la poussée du chômage, tandis que sur le territoire plane au quotidien la menace des attentats terroristes. A l'international, Donald Trump, tout comme Vladimir Poutine des références pour Marine Le Pen, dont elle n'a ni la puissance de l'un ni la force et le charisme de l'autre, vient d'être élu, les britanniques divorcent d'avec l'Europe et la France, elle, sa voix est en position veille dans un concert mondial, marqué par la prédominance des rapports de force, dans lesquels elle apparaît très affaiblie, faute d'initiatives crédibles de sa part. L'hypothèse de plus en plus probable d'un changement profond du champs politique français, qui verrait la candidate du Front national aux commandes de la deuxième puissance économique de l'espace européen, inquiète au plus haut point l'Union européenne qui ne voit pas d'un bon oeil une telle éventualité. « Elle croise les doigts pour que Emmanuel Macron, qui apparaît comme le seul proeuropéen, l'emporte » en mai prochain, croit savoir le journal Le Monde. L'enjeu est majeur, c'est son éclatement qui est en jeu, soixante années après le traité de Rome, traité à base duquel est fondée cette Europe qui, à vrai dire, n'a jamais été au rendez-vous. C'est également une certaine idée de celle-ci qui risque de disparaître à jamais. Angela Merkel, la chancelière allemande, s'est dit prête à recevoir tous les candidats qui le souhaiteraient à l'exception de la présidente du Front national. Traduction, gagne qui veut parmi les favoris des sondages sauf Marine Le Pen. Les plus optimistes des français avancent dans le même temps d'autres arguments autrement plus convaincants tendant, selon eux, à infirmer les prédictions sondagières et à démentir le scénario-catastrophe. Une élection se gagne justement par force arguments et la solidité des éléments clés des programmes, qui doivent être partagés par une majorité d'électeurs. Sans ambiguïté, 70 % des Français ne partagent pas plusieurs fondamentaux du parti nationaliste sur lesquels est bâtie la vision lepéniste. Ils considèrent que la sortie de l'Europe et le retour au franc en l'occurrence ne sont pas synonymes de souveraineté retrouvée. Leurs conséquences sur l'économie et la géopolitique sont dramatiques et les répercussions directes sur le portefeuille des français incalculables. De longue date, sporadiquement l'Europe fait face au défi de la poussée du populisme et de la montée du nationalisme, mais la France et les français ne peuvent se permettre d'être les premiers à ouvrir la boîte de pandore.

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