Comment les milieux d'affaires français perçoivent-ils l'Algérie ? Une impression tenace que ce pays qui se plaint de la faiblesse des investissements français fait ce qu'il faut pour qu'il n'en soit pas autrement. Mais le jugement doit être fortement nuancé. A Paris, des investisseurs et l'Elysée continuent à y croire. Les milieux d'affaires français désespèrent-ils de l'Algérie ? En juillet 2009, des rencontres organisées par Ubifrance à Paris avaient donné le ton. De façon générale, les commentaires suivants revenaient comme une litanie dans les interventions des orateurs mais aussi des hommes d'affaires présents dans l'assistance : manque de lisibilité quant à la politique économique du gouvernement algérien, sérieux doutes quant à la pérennité de l'ouverture libérale des années 1990 et interrogations sur la réalité des nombreux projets d'investissements annoncés par Alger. La fameuse loi de finances complémentaire (LFC 2009) était passée par là et les récents événements, notamment le bras de fer autour de l'avenir d'Orascom Telecom Algérie (OTA-Djezzy) ont vraisemblablement renforcé cette expectative. «Il y a plusieurs éléments qui déroutent et rebutent l'investisseur», confie le représentant pour l'Afrique du Nord d'un groupe industriel français. «Le plus important d'entre eux est qu'on a l'impression que l'Algérie ne veut pas vraiment des investisseurs étrangers. Tout est fait pour leur signifier qu'ils ne sont pas les bienvenus. Il y a une dureté dans le propos, une attitude qui consiste à soupçonner l'investisseur de vouloir profiter du pays. C'est étrange parce que cela contredit le discours officiel qui reproche aux opérateurs étrangers de ne pas investir». Résultat, l'image d'un pays où il est bien plus rentable d'écouler ses produits plutôt que de chercher à les fabriquer sur place est plus que jamais renforcée à l'heure où les deux voisions tunisien et marocain clament leur volonté de faire partie des pays émergents moyens, à l'image des CIVETS (Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie et Afrique du Sud), et ne cessent de communiquer sur le plan international sur leur attractivité. Certes, officiellement, les responsables français clament toujours que la coopération franco-algérienne s'inscrit «dans la durée et le long terme» avec 400 entreprises françaises présentes en Algérie dont dépendent 35.000 emplois directs et 100.000 indirects. En visite à Alger pour deux jours, la secrétaire d'Etat française chargée du Commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, n'a pas tenu un autre langage en annonçant «un rythme nouveau dans la relation France-Algérie» et une volonté «du gouvernement français et des entreprises françaises de développer les investissements» en Algérie. Priorité à la balance commerciale Mais pour ce banquier très au fait des relations franco-algériennes, cette visite «relève plus d'une démarche défensive destinée à faire en sorte que la balance commerciale bilatérale continue de pencher en faveur de la France» sachant que l'Algérie est l'un des rares pays hors-OCDE à enregistrer un déficit commercial négatif avec la France. Inquiets du refroidissement des relations politiques entre les deux capitales, de nombreux exportateurs français, notamment de biens de consommation, font pression pour Paris pour éviter que leurs parts de marchés ne soient pas rognées par la concurrence de nouveaux entrants sur le marché algérien, notamment la Chine et la Turquie. En bref, la balance commerciale demeurerait une priorité pour Paris et cela bien avant l'investissement. Analysée nuancée à l'Elysée Pour autant, l'analyse de l'Elysée pourrait être plus nuancée. L'entourage de Nicolas Sarkozy semble en effet convaincu que «l'Algérie va décoller dans les prochaines années» et que la France a intérêt à ne pas rater le coche. C'est ce qui explique le souhait français de voir les deux pays organiser un forum algéro-français sur l'investissement et le commerce, au premier semestre 2011. C'est ce qui explique aussi la nomination de Jean-Pierre Raffarin à la tête d'une mission de réflexion pour le développement des investissements bilatéraux. L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac doit normalement se rendre à Alger au début du mois de décembre. Ce sera l'occasion pour lui de délivrer son message mais aussi, selon des sources diplomatiques françaises, d'essayer de convaincre les autorités algériennes que l'investissement direct étranger exige un minimum de cohérence et de lisibilité en matière de cadre juridique.