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Ouyahia occulte la crise politique
tout en n'écartant pas son éventuelle candidature à la présidentielle
Publié dans Liberté le 02 - 04 - 2011

Lors de son passage sur A3, Ahmed Ouyahia a beaucoup parlé. Il n'a pas esquivé les questions relatives à l'actualité nationale. Ses réponses n'ont pas été, malgré sa prolixité, édifiantes sur la voie dans laquelle sera engagé le pays pour le mettre à l'abri du vent de révolte qui souffle sur les pays arabes. L'unique brèche ouverte, sa possible candidature à la présidentielle de 2014.
C'est en sa qualité de secrétaire général du RND qu'Ahmed Ouyahia a été invité à l'émission de Thuraya Zerfaoui, “Hiwar essaâ” (Débat de l'heure), diffusée mercredi soir sur A3. Souvent, il a remis, toutefois, sa casquette de Premier ministre, pour répondre à certaines questions qui ne peuvent être données qu'à ce niveau de responsabilité dans les rouages de l'Etat. Il a, ainsi, justifié le silence dans lequel il s'est enfermé pendant et après les émeutes qui ont secoué plusieurs villes du pays en janvier dernier – à l'époque seuls le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et son collègue du Commerce s'exprimaient sur le problème –, par la nature de la mission de Premier ministre qui le circonscrit “au traitement des différents dossiers et de veiller à leur exécution. L'important est que le citoyen a compris le fond du problème et ce qu'il y avait lieu de faire pour le régler”. Pour lui, “les émeutes
sont fabriquées à 60% par ceux qui craignent la transparence économique”.
Ce qui a amené le gouvernement, sous l'instigation du chef de l'Etat, à prendre en urgence des mesures d'apaisement pour contrer, selon l'invité de la Télévision algérienne, “l'alliance de la mafia financière avec les barons”. Il a indiqué, pour mieux illustrer son propos, que, dans les années 1990, environ 60% des registres du commerce étaient domiciliés à Baraki et la cité La Montagne “qui connaissaient des conditions difficiles et dont le contrôle commercial passait par l'envoi de forces de sécurité, mais le retour de la sécurité ne sert pas les intérêts des personnes craignant la clarté économique”.
De cette manière, Ahmed Ouyahia a montré que les décisions du gouvernement, particulièrement celles qui marquent un recul sur des mesures prises pour lutter contre le commerce informel, sont éclairées. “Le retour de la sécurité et de la stabilité constitue une priorité car l'instabilité ne profite qu'à ceux qui nagent dans les eaux troubles”, a-t-il commenté. De son point de vue, l'Algérie ne traverse nullement une zone de turbulences politiques, mais plutôt une crise sociale, “qui ne nécessite ni la dissolution du Parlement ni un changement de système politique”. Il a ajouté que “l'Etat est suffisamment fort pour faire face aux barons mais pas à ses enfants et à son peuple, notamment les jeunes”.
Le front social en ébullition exige, néanmoins, une réponse rapide à ses revendications au moment où la colère des jeunes et des moins jeunes, en mal d'emploi, de logement et de perspectives d'avenir, risque à tout moment d'éclater et de faire beaucoup de dégâts.
À ce titre, le patron du RND et Premier ministre a affirmé qu'un deuxième volet de mesures de nature sociale et économique “seront prochainement rendues publiques. Elles s'inscriront en prolongement de celles déjà arrêtées par le Conseil des ministres lors de sa réunion du 22 février”. Il a précisé que “ces initiatives allaient coûter à l'état des dépenses considérables mais dont on ne peut faire l'économie parce que la stabilité n'a pas de prix”. Il a rappelé, à l'occasion, que “l'Etat a consacré 286 milliards de dollars au titre du plan quinquennal 2010-2014 (21 000 milliards de dinars) pour apporter sa contribution à l'amélioration des conditions de vie du citoyen et à la préservation de la paix sociale”. Il a reconnu aussi, dans le sillage, la véracité des informations faisant état de la rencontre du président Bouteflika avec cinq hauts cadres de l'Etat, en l'occurrence son représentant personnel Abdelaziz Belkhadem, les présidents des deux Chambres du Parlement Abdelkader Bensalah et Abdelaziz Ziari, le Premier ministre, le président du Conseil constitutionnel, Boualem Bessaïeh.
Bien que Ahmed Ouyahia, par obligation de réserve, n'ait pas voulu révéler la teneur de ses discussions au sommet, il a été dit antérieurement par d'autres sources, que le chef de l'Etat a chargé le groupe des cinq de lui formuler des propositions de sortie de crise, qui lui éviterait la tempête qui a détruit le régime de Ben Ali et de Moubarak et qui aura certainement raison de celui des présidents yéménite et libyen. Là, Ahmed Ouyahia a abordé les révolutions en cours dans de nombreux pays arabes. Il a dénié, à ce propos, au recours à la violence le pouvoir de résoudre les problèmes et a rejeté l'option de “l'ingérence dans les affaires internes des pays”.
Abordant la contrainte liée au manque de liquidités au niveau des bureaux de poste, il s'est dit étonné de l'existence de ce phénomène ne serait-ce que parce que “la Banque d'Algérie a augmenté en octobre dernier l'émission de billets de banque de 10 à 18 milliards de dinars par jour. Les fonds émanant des centres de chèques postaux ont, quant à eux, augmenté de 250%. Où va donc cet argent”, s'est-il encore demandé.
De nombreux corps de métier, qui ont reçu des augmentations substantielles de leurs indemnités (enseignants du supérieur, praticiens de la santé, policiers…) ont retiré, de leur compte CCP, les rappels qu'ils ont perçus sans les réinjecter dans des comptes bancaires à telle enseigne que les bureaux de poste ne permettent plus que le retrait des sommes égales ou inférieures à 20 000 DA par titulaire de compte et par semaine. Evoquant la corruption, particulièrement, les affaires touchant la compagnie Sonatrach et l'autoroute Est-Ouest, le secrétaire général du Rassemblement national démocratique a reconnu l'existence de “dérapages”. “L'Etat se penche sur le traitement de ces affaires par le biais de la justice.”
Souhila Hammadi


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