Véritable cadeau empoisonné du pouvoir, la proposition du Premier ministre a créé un terrible désordre au sein de la formation islamiste qui ne sait plus sur quel pied danser et qui risque de la laisser exsangue. Piégé par la proposition faite à son président Abderrezak Makri par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, d'intégrer le prochain gouvernement, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) est aujourd'hui un parti au bord de l'explosion. Et les tiraillements au sein de la formation islamiste entre, d'un côté, l'aile participationniste partisane d'un engagement dans l'Exécutif et, de l'autre, la fraction radicale qui, profondément ébranlée par le score récolté lors du scrutin du 4 mai, semblent entraîner de plus en plus le parti vers une destination inconnue qui pourrait être simplement celle de sa dislocation. Et si l'on se réfère aux déclarations des principaux chefs de file des parties en conflit et le ton auquel ils recourent ces jours-ci, l'on se rend compte que la guerre est désormais ouverte entre les différents protagonistes. Le différend a-t-il atteint un point de non-retour ? Et si c'est le cas, le parti va-t-il se sortir sans trop de dégâts de ce traquenard ? On ne le sait pas encore, mais ce qui est, aujourd'hui, du domaine de l'évidence, c'est le fait que, quelle que soit l'issue de la confrontation, il serait difficile d'éviter la casse. Et si le régime en place voulait faire éclater le parti cher à Mahfoud Nahnah pour lui faire payer son basculement dans le camp de l'opposition après avoir longtemps flirté avec les pouvoirs successifs, il faut dire que la potion a de fortes chances de produire son effet. Et comme le temps presse avec le début des consultations pour la formation du nouvel Exécutif, l'offre faite par le Premier ministre au nom du président de la République au MSP a, visiblement, profondément attisé les dissensions au sein du parti. La fraction participationniste, qui ne cache plus son empressement d'amener le parti à intégrer le gouvernement, semble mettre les bouchées doubles pour faire basculer le rapport de force en sa faveur. La sortie médiatique surprise d'Abdelmadjid Menasra, qui a, d'une certaine manière, réintégré les rangs du MSP à travers la formation d'une coalition électorale avec ce dernier, n'a fait, selon toute vraisemblance, que compliquer la situation. Le président du Front du changement, de surcroît ancien ministre de l'Industrie, a clairement affiché ses prétentions par rapport au nouvel Exécutif. Sa réponse positive à l'offre de Sellal a complètement brouillé les cartes du président du MSP qui pensait régler la question par le biais du madjliss echoura qui doit se réunir après l'examen des recours par le Conseil constitutionnel. La posture de Menasra a semé davantage de zizanie dans les rangs de la formation islamiste, surtout que, selon le président du MSP, des "parties" au sein de sa formation auraient pris contact directement avec le Premier ministre pour lui signifier leur disposition à intégrer le gouvernement. Un procédé que M. Makri a tenu à dénoncer de la manière la plus vive dans l'entretien qu'il a accordé hier à El Khabar et qu'il n'a pas hésité à assimiler à une trahison. Et, paradoxalement, cette situation, loin de l'affaiblir, l'a renforcé dans ses convictions qu'il n'est, actuellement, pas dans l'intérêt de son parti de faire partie du prochain Exécutif. Mais si, somme toute logique, le bureau national du parti est déjà acquis aux options de M. Makri, la question demeure posée quant à la position du madjliss echoura, une instance ouverte aux quatre vents et où chaque courant se fie à ses propres intérêts et logique. Et pour être cohérent avec lui-même, le président du MSP n'hésite pas à brandir la menace d'une démission de son poste pour protester contre une éventuelle décision du conseil consultatif national de son parti d'intégrer l'Exécutif. Une telle affirmation vient, en effet, confirmer le durcissement des positions des uns et des autres au sein de cette formation sur la posture à adopter par rapport à la proposition piège de M. Sellal. Et si celle-ci n'avait finalement pour objectif que de miner, voire de dynamiter, le MSP de l'intérieur ? Quelle que soit la réponse, il faut dire que le régime est en train de prendre sa revanche sur un parti à qui il n'a visiblement pas pardonné d'avoir plongé dans l'opposition radicale après s'être acoquiné avec le pouvoir des années durant. Hamid Saidani